Si l’on considère l’immense étendue du domaine des sciences, tant théoriques que pratiques, et l’activité avec laquelle le génie de l’homme, aujourd’hui débarrassé des subtilités métaphysiques, féconde le champ entier des sciences d’observation, on croit au premier aperçu que le tableau des nouvelles découvertes doit embrasser un nombre considérable d’objets divers, et que la quantité d’admiration que peut contenir l’esprit le plus optimiste sera insuffisante pour payer tous les mérites qui se sont fait jour depuis un petit nombre de mois. Pour bien des raisons, il n’en est pas ainsi. D’abord le nombre des inventions de premier ordre est nécessairement fort limité ; ensuite, comme l’a très bien remarqué Laplace, ce grand mathématicien qui fut si célèbre sans l’être autrement que par la science, les œuvres scientifiques ne peuvent jamais atteindre à une renommée comparable à celle des œuvres littéraires. Quelle que soit la valeur des travaux mathématiques, il leur manque toujours un public, il leur manque ce qu’on appelle le marché, autrement les consommateurs. Copernic, dans la dédicace de son fameux Traité des Révolutions au pape, s’indigne des critiques que des gens, qui parlent à tort et à travers, se mêlent de faire des conceptions qui leur sont inaccessibles. « Les œuvres mathématiques, ajoute-t-il, sont écrites pour des mathématiciens ; » mathematica mathematicis scribuntur. Mais où trouver assez de mathématiciens pour faire un public à ces génies dédaigneux ? Qu’ils nous permettent d’avoir une haute opinion de leur capacité et des calculs transcendans qui les ont mis en possession des brillans résultats qui font leur gloire, mais qu’ils nous permettent aussi de connaître, d’admirer principalement les fruits de leurs travaux, à peu près comme en face d’un tableau, d’une statue, d’un monument d’architecture on oublie le pinceau, le ciseau, les échafaudages et tout ce qui est du métier, pour jouir de l’œuvre du génie.
Un autre avantage des œuvres d’imagination est encore la perfection individuelle