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Lorsqu’on fut en vue de Seyanne, le lieutenant dit à sa sœur : — Nous brûlons nos vaisseaux, parlait ! Mais enfin, chère Blandine, est-il bien dans les convenances que nous allions demander Marcel en mariage ?

— D’abord, pour vos convenances, dit la tante en soufflant sur sa main, voilà pour elles ; ensuite, apprenez une chose : votre sœur n’est point une sotte, et si quelqu’un à la Pioline se jette à la tête des gens, ce n’est point, que je sache, tante Blandine. Elle va à Seyanne, non pour enlever Marcel, mais pour faire entendre à la Damiane qu’elle peut très bien nous demander notre fille, et si par discrétion elle refuse de comprendre à demi-mot, tante Blandine mettra si bien les points sur les i, que cette bonne Sendrique saura à n’en plus douter qu’elle est attendue à la Pioline, qu’elle y sera reçue avec bonheur, enfin que nous nous aimons tous là-bas comme ici. Est-ce clair ? Mon frère Jean-de-Dieu, je meurs d’envie de vous embrasser !

— Volontiers, dit le bonhomme ; voilà bien des années que nous en avions perdu la fantaisie.

L’entrevue de la Damiane et de la tante fut très cordiale. On parla d’abord d’affaires de ménage, puis la tante demanda un conseil pour son tissage de toiles.

— Bientôt vous parlerez lessive, dit M. Cazalis ; je suis perdu. Je vous laisse en conférences, et je vais au hangar.

Il alla visiter l’atelier de Marcel. À son retour, il les trouva toutes deux fort amies et parlant magnanerie. La récolte des cocons manquait depuis deux années à la Pioline, et les Sendric passaient pour très habiles en magnanerie. La tante demanda à la Damiane de cette graine de vers à soie si renommée que les Sendric ne vendaient qu’à leurs amis. — Oh ! ne vous levez pas, dit-elle, pour monter à votre grenier ; nous sommes pressés de partir, vous nous l’apporterez vous-même. — Sur ce mot, elle engagea la grande affaire et sut très bien dire tout ce qu’elle avait à dire.

Lorsque la Zounet raconta au marché que tante Blandine avait fait une visite officielle aux Sendric, les commères tombèrent dans une grande surprise. La Damiane vint le surlendemain à la Pioline : elle y revint à la fin de la semaine avec son fils. Alors la nouvelle circula dans tout le pays à une lieue à la ronde, et tous les esprits s’épuisèrent en suppositions, en commentaires, pour expliquer cette conversion de Mlle Blandine. Il se forma cependant un parti d’incrédules qui persista jusqu’au dernier moment. Ils virent les toilettes de noces chez la Rosine ; Rosine leur dit que devant elle la tante Blandine avait travaillé de ses mains à la belle chemise brodée que les jeunes filles envoient à leur fiancé ; Cascayot traversa le village