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déficit de 100 millions pour une première campagne, — déficit inférieur à celui que prévoyait M. Léon Faucher, mais qui, à la fin de 1855, atteindra des proportions bien plus considérables. Il n’est pas possible en effet d’accepter comme fondées pour cette année les prévisions qui ajoutent aux 840 millions de recettes ordinaires pour 1854 160 millions de recettes extraordinaires. Ces ressources extraordinaires ne pourront atteindre que la somme ronde de 60 millions au plus, et le chiffre total, réduit à 300 millions, créera pour 1855 un déficit de 300 millions, auquel il faudra pourvoir par l’emprunt, ou par l’impôt, à moins de l’ajouter à la dette flottante. Voyons ce que ces moyens ont de praticable, en commençant par l’emprunt et la dette flottante.

La dette consolidée de la Russie ne dépassait pas 1,600 millions de francs avant le dernier emprunt, qui, n’ayant pas été rempli intégralement, ne doit pas l’avoir accrue de plus de 100 millions. « Une aggravation de la dette russe de 1 ou 2 milliards de francs pendant la durée de la guerre ne serait point, a-t-on dit, en disproportion avec les ressources de l’empire. » Que le gouvernement russe s’estime solvable pour telle somme que ce soit, là n’est point la question : ce qui est certain, c’est que les capitaux étrangers ont refusé de s’engager dans l’emprunt russe au commencement de la guerre pour une somme de 200 millions. Comment donc supposer qu’une fois la guerre engagée et malheureuse, ils s’y engageront pour deux milliards ? Sans doute la Russie trouverait à emprunter des centaines de millions pour les travaux de la paix ; mais pour élever des forteresses, pour entretenir la guerre, il est permis de douter qu’elle trouve du crédit en Europe.

La ressource de l’emprunt au dehors lui étant refusée, s’adressera-t-elle aux capitaux nationaux, c’est-à-dire à la dette flottante ? Mais quelle assistance le gouvernement russe pourrait-il trouver dans ce mode d’emprunt à courte échéance ? Même en admettant les réductions proposées par M. Tegoborski dans les chiffres de M. Léon Faucher, la dette flottante parait tendue, en Russie, à un degré presque incroyable. Outre la portion de la dette flottante qui consiste dans la circulation de billets de série et qui ne s’élève qu’à 300 millions de francs (75 millions de roubles) suivant M. Tegoborski, il y a la circulation du papier-monnaie, ou billets de crédit, représentant 800 millions, non autrement garantis que parle crédit de l’état[1], et qui, ajoutés à la dette représentée par les billets de série, forme un total de 1,100 millions. Ce chiure, déjà excessif, est loin cependant

  1. Suivant M. Tegoborski, la circulation du papier-monnaie à la fin de septembre 1854 était île 345,927,000 roubles ; le dépôt monétaire de la forteresse de Saint-Pétersbourg était de 146,867 ; 000 roubles ; le découvert était ainsi de 199,064,000 roubles.