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sujet. Je me contente de dire qu’elles ont bien aussi leur valeur. L’exploitation des mines marche péniblement, l’absence de houille et de bois est un grand obstacle ; on voit pourtant à l’exposition de beaux échantillons de minerais. Parmi les marbres, l’onyx translucide se distingue par sa rare beauté, comme le thuya parmi les bois. Toutes les industries européennes sont maintenant importées ; de nombreux moulins à farine et à huile ont été construits ; d’autres usines s’élèvent. Des lignes de voitures desservent les principales routes. Ces différens métiers sont la principale fonction des colons dans la société algérienne. On a essayé de faire violence à la nature des choses en reportant, vers la culture un plus grand nombre d’entre eux, on a échoué. La division du travail se fait naturellement entre les Européens et les indigènes, quand on les laisse libres les uns et les autres ; même quand on tente de s’y opposer, elle résiste et finit par l’emporter.

Les colonies anglaises nous offrent à ce sujet des enseignemens. On ne voit pas que le gouvernement y cherche à diriger le travail dans un sens opposé au cours naturel, on ne voit pas non plus que les colons se tourmentent l’esprit pour faire autre chose que ce qui leur profite, et ces colonies sont beaucoup plus prospères que les nôtres. Voyez l’Australie : avant la découverte de l’or, on n’y avait guère d’autre produit que la laine, et avec cette seule richesse on avait fait des merveilles. Au milieu des envois de ce monde nouveau figurent des esquisses de ces villes populeuses qui s’y élèvent à vue d’œil ; on ne pouvait en effet rien montrer qui parlât plus haut.

Arrêtons-nous un moment devant une de ces colonies qui a été longtemps française, le Canada. Son exposition compte parmi les plus belles. On sent que les Canadiens ont conservé un attachement filial pour leur ancienne patrie, et qu’ils se sont fait une joie de répondre à son appel. On sent aussi que ces quelques arpens de neige, comme disait dédaigneusement Voltaire, ont fait de grands progrès depuis qu’ils ne nous appartiennent plus : leurs 70, 000 habitans d’alors sont devenus deux millions. En auraient-ils fait autant s’ils étaient restés sous notre domination ? On est forcé d’en douter quand on songe à toutes les révolutions qui ont bouleversé la France depuis 1763, et qui ont eu dans nos colonies un désastreux retentissement. On en doute encore plus quand on compare le système économique et politique que nous suivons à l’égard de nos possessions et celui que les Anglais ont adopté pour les leurs. Le Canada est, on le sait, complètement libre aujourd’hui ; il a un gouvernement représentatif calqué sur celui de la métropole, et le lien qui le retient encore n’est plus que nominal. L’aurions-nous traité ainsi ? J’ai peine à le croire ; c’est pourtant à cette indépendance qu’il doit la plus