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sélections, l’amélioration des pâturages par des irrigations et des dessèchemens, la culture des prairies artificielles et des racines ; ceci n’est pas aussi brillant, je l’avoue, que le coton, la canne à sucre, le thé et le café ; l’expérience dira ce qui vaut le mieux. Outre les moutons, l’Algérie peut produire encore des chevaux et des bœufs. Les chevaux indigènes sont célèbres, et ils remontent déjà exclusivement notre cavalerie d’Afrique. La race bovine ne sera jamais laitière, le climat s’y oppose, mais elle ne demande qu’un peu de soin pour donner de bons petits bœufs de travail et de boucherie, et elle compte déjà un million de têtes. Je n’ai pas besoin d’ajouter que le bétail, c’est de l’engrais, et qu’en Afrique comme partout, l’engrais est nécessaire pour les autres productions, notamment pour les céréales ; il faut toujours en revenir là.

Il est un autre intérêt que je regarde comme de premier ordre pour l’Algérie, c’est le bois. S’il manque, ce n’est pas précisément la faute du sol et du climat : on y trouve au contraire de très beaux arbres, et les recherches de l’administration ont révélé l’existence d’un million environ d’hectares de bois, dont quelques-uns sont de véritables forêts ; mais qu’est-ce qu’un million d’hectares, la plupart en broussailles, pour une étendue totale de 40 millions ? Il en faudrait au moins trois ou quatre fois plus. Les véritables causes du déboisement sont le parcours des troupeaux et l’incendie, les Arabes ayant l’habitude de mettre le feu aux broussailles, pour fumer le sol avec les cendres et se débarrasser des bêtes féroces. Depuis quelques années, un service forestier bien organisé veille à la conservation de ces richesses naturelles. Une des parties les plus intéressantes de l’exposition algérienne consiste, selon moi, dans la collection des essences forestières. Il y a là, si l’on veut, des trésors pour l’avenir et qui n’exigent presque pas de main-d’œuvre ; mais il ne suffit pas de conserver, il faut semer et planter beaucoup. Je vois avec plaisir que l’administration y songe, elle a organisé des compagnies de planteurs. On en est encore réduit à importer du bois de l’étranger ; en 1854, il en est entré pour 1,300,000 fr., et ce n’est pas seulement pour fournir aux besoins du chauffage, de la menuiserie, de la construction, de la marine, que le bois est nécessaire : il en faut surtout pour remédier aux vices du climat ; l’exemple de quelques parties de la Metidja, autrefois inhabitables, maintenant peuplées et cultivées, montre combien les plantations ont de puissance pour vaincre les fléaux de cette rude nature.

Somme toute, on peut regarder l’Algérie comme en bonne voie, sinon peut-être pour ce qu’on cherche à faire à grand bruit, au moins pour ce qui se fait à peu près tout seul. Je ne parle pas de ses richesses minérales et industrielles, parce qu’elles ne sont pas de mon