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orges, nos colons ont envoyé des produits empruntés à toutes les régions du monde : le coton, l’olivier, la cochenille, le ricin, l’arachide du Brésil, le carthame, l’opium, les oranges, les pamplemousses, le safran, la garance, le tabac, la soie, l’ortie blanche, le gingembre, l’indigo, le riz sec de Chine, le madia du Chili, la mauve textile, le chanvre de Chine, le sésame, les patates, le café, le thé, la colocase du Mexique, la banane, la canne à sucre, le bambou, les vins, les essences, les alcools d’asphodèle, etc. La plupart de ces produits ont une valeur fort restreinte ; il en est quelques-uns dont on espère beaucoup, tels que le coton, la soie, l’huile, le tabac et les fruits.

Si l’on jugeait de l’importance d’une culture par la beauté de ses produits, il n’y aurait rien de plus riche que le coton d’Algérie. De l’aveu même des Américains les plus compétens et les plus intéressés, les qualités superfines de coton, dites sea island, obtenues en Afrique, égalent les plus belles de la Géorgie. On peut dire en même temps que le débouché est indéfini, car la seule Europe absorbe tous les ans pour un milliard de coton. En présence de pareils faits, on comprend toute l’importance que le gouvernement attache à cette production. Malheureusement la question principale, celle du prix de revient, n’est pas résolue. Peu importe au fond qu’on récolte le plus beau coton du monde, si l’on ne peut pas le vendre au prix courant. Jusqu’à présent, la culture du coton ne couvre pas, dans toute l’étendue de l’Algérie, plus d’un millier d’hectares, malgré les encouragemens sans nombre qui lui sont donnés. On ne peut s’empêcher de concevoir de grands doutes sur l’avenir au moins immédiat de cette culture, quand on songe à la quantité de main-d’œuvre qu’elle exige sous un ciel brûlant. Pour mon compte, il me paraît impossible que les bras des colons y suffisent jamais ; qu’on y arrive quelque jour par le moyen des indigènes, ou mieux encore, d’une importation de noirs libres du centre de l’Afrique, c’est plus croyable, mais là encore on entrevoit bien des difficultés. Jusqu’ici le coton n’a véritablement pu prospérer qu’avec l’esclavage. Il serait beau de lui enlever ce triste caractère ; l’Algérie en a-t-elle les moyens ?

Il ne s’élève pas tout à fait le même doute sur la production de la soie ; il s’en faut pourtant de beaucoup que ce soit un fait accompli. Comme les cotons, les soies envoyées d’Afrique sont admirables, et les étoffes dont elles font la matière première ont un merveilleux éclat ; mais c’est l’administration qui achète les cocons et qui fait fabriquer, et, ce qui est plus fâcheux, la production en est insignifiante et diminue au lieu d’accroître. On n’a pu acheter à Alger en 1852 que pour 56,000 fr. de cocons, en 1853 pour 54,000, en 1854 pour 33,000 seulement ; il y a loin de là aux 100 millions de soie