Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/975

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mutuelle assistance. Tous les membres de la race vivent rapprochés les uns des autres et presque groupés sur un seul point, même dans la saison de l’année où ils reprennent leur vie errante. C’est comme une vaste communauté où le riche distribue une part de ses biens aux indigens ; non pas qu’il y ait beaucoup de riches parmi les Ostiakes, la tribu est généralement pauvre, on n’y vit guère qu’au jour le jour, et le secours que se prêtent les membres d’une même race consiste surtout à partager fraternellement le butin de la journée, le produit de la chasse ou de la pêche. « Une chose digne de remarque, ajoute M. Castrén, c’est qu’on ne voit jamais un Ostiake demander l’aumône ; chacun a le droit de jouir du bien de son voisin, et ce communisme naïf, tempéré par la douceur naturelle à ces tribus, est pratiqué d’une façon si régulière que jamais aucune querelle n’y fait couler le sang. »

Au reste chaque race a son chef, son président, le starchina, respecté de tous et chargé de maintenir l’ordre. Si une contestation s’élève, le starchina écoute les deux parties et rend aussitôt son arrêt, sans autres formalités juridiques. Le plus souvent les adversaires se soumettent ; mais si la décision du starchina ne ramenait pas la concorde, on a la ressource de porter la cause devant le prince. Plusieurs races, établies sur des territoires rapprochés, reconnaissent de temps immémorial un chef commun qu’ils nomment ainsi. La Russie elle-même a consacré leurs droits. Les princes des Ostiakes d’Obdorsk et de Kunovat montrent avec fierté un diplôme de Catherine II qui les autorise à garder ce titre. Ce sont les princes qui jugent en dernier ressort tous les procès, qui prononcent toutes les sentences définitives, excepté les sentences de mort. Leur premier office est d’empêcher toute hostilité entre les races, de distribuer les territoires, de régler les questions de pêche et de chasse. Tous les starchinas leur sont soumis ; quant à eux, ils dépendent du gouvernement russe et du tribunal du district. La dignité de prince se transmet à titre héréditaire ; si le prince ne laisse pas de fils ou que son fils soit mineur, la commune choisit un de ses plus proches parens. Ni le prince ni les starchinas ne reçoivent de traitemens réguliers, mais les dons volontaires ne leur manquent pas.

La parenté n’est pas le seul lien qui réunisse les membres d’une même race, chacune d’elles a ses dieux et son culte. Ces dieux, placés dans une des huttes de la tribu, sont adorés par les familles avec des sacrifices et autres cérémonies religieuses. Celui à qui est confiée la garde de cette hutte sacrée, à la fois prêtre, prophète et médecin, est presque considéré lui-même comme une divinité. La magie joue un grand rôle dans la religion des Ostiakes ; ce prêtre-médecin est avant tout un sorcier. À ces grossières pratiques les Ostiakes, s’il faut en croire M. Castrén, associent des idées plus élevées.