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point eu de peine à répondre qu’il n’y avait eu aucun désaccord entre les cabinets de Londres, de Paris et de Constantinople ; que, la Turquie eût-elle approuvé les propositions de l’Autriche, ses résolutions ne dirigeraient point la politique de l’Angleterre et de la France, et qu’enfin la guerre n’avait point cessé d’avoir pour objet une paix juste et forte. Ce qu’il y a de plus singulier, c’est que ces explications venaient au sujet de l’Italie, dont lord John Russell ne s’était point occupé outre mesure depuis assez longtemps.

Le malheur est que la situation de l’Italie est bien loin, en effet, de présenter un caractère rassurant. Il semble que dans ce pays il y ait toujours quelque éruption prête à éclater, et on dirait que ces populations, si cruellement éprouvées, sont destinées à flotter toujours entre les dangers d’une anarchie corruptrice et les inintelligens caprices des gouvernemens. Nulle part peut-être cette situation n’apparaît plus manifestement qu’à Naples, et le gouvernement napolitain n’est pas plus heureux, en vérité, dans sa politique extérieure que dans sa politique intérieure. Le cabinet du roi Ferdinand déguise avec peine ses sympathies russes ; mais comme en même temps il sent le besoin de ne point se détacher des puissances occidentales, il se trouve conduit à mettre dans ses actes des contradictions qui seraient puériles, s’il ne s’agissait pas de choses si sérieuses. Naguère, sous le prétexte de ne point enfreindre les lois de la neutralité dans laquelle il veut rester, le gouvernement napolitain a défendu l’exportation de divers objets d’alimentation qui servaient aux armées alliées en Crimée. Les cabinets de Londres et de Paris ont réclamé naturellement contre cette mesure. Le cabinet du roi Ferdinand a permis alors l’exportation des pâtes, mais par un autre décret il a interdit la fabrication de ces mêmes pâtes. Les fabricans avaient donc le droit d’exporter ; seulement ils n’avaient point le droit de fabriquer, ce qui ne laissait point d’être une combinaison ingénieuse. Malheureusement, comme nous le disions, ces sympathies mal déguisées pour la Russie s’allient à un système de politique intérieure qui dépasse certainement les bornes de la raison. Que le roi Ferdinand contienne d’une main vigoureuse les passions révolutionnaires, cela n’a rien de surprenant ; mais il y a loin de là à ranger parmi les institutions gouvernementales une commission des bastonnades. Ceci est un procédé quelque peu turc qu’on croyait n’être point en usage dans un royaume chrétien. Les procédés habituels de la police napolitaine paraissent être, au reste, fort expéditifs. Récemment quelques personnes avaient assisté aux funérailles d’un homme qui avait fait partie de l’assemblée législative de 1848 ; ces personnes se sont vues soudainement exilées. De telles mesures ont l’inconvénient d’aller directement contre le but qu’elles se proposent. Elles n’étouffent pas les passions révolutionnaires, elles les excitent au contraire en leur donnant l’aliment de griefs légitimes. Elles lis peuvent point évidemment, d’un autre côté, contribuera entretenir des relations très amicales entre le gouvernement napolitain et les gouvernemens étrangers. On assure même que des explications très nettes auraient été échangées à ce sujet entre notre ministre des affaires étrangères et le représentant du roi de Naples.

De tous les pays de l’Italie, le Piémont est le seul qui soit parvenu jusqu’ici à concilier l’ordre avec les institutions libérales, en même temps qu’il a su