maintenant de son apparition devant le public, et c’était une grande affaire pour le peintre, chez qui l’amour de l’éclat n’était pas moins ardent que sa passion pour l’art. Les amis furent consultés, et leurs avis furent traités comme il est d’usage quand c’est la vanité et la présomption qui demandent conseil. Quiconque désapprouve, — parlât-il comme un ange, — est envieux, injuste et de mauvaise foi. En 1834 encore, à la suite des lignes que nous avons citées, Haydon jugeait ainsi les juges de son tableau : « Le succès de Wilkie m’avait causé une joie sans mélange ; je lui étais fort attaché, et il semblait me rendre la pareille ; mais lorsque mon tableau toucha à sa fin, je ne reçus pas de lui les encouragemens que dans la chaleur de mon cœur je lui aurais donnés en pareille occasion. Il avait peur de ceci et il avait peur de cela. Et quand sir George Beaumont (tout en admettant que c’était un merveilleux coup d’essai) me conseilla de ne pas exposer, Wilkie, au lieu de me soutenir, tourna brusquement le dos à sa première opinion, pour penser, lui aussi, qu’à tout prendre, comme c’était un début, j’aurais raison de m’abstenir. Envers un ami dévoué, il y avait quelque chose de si glacial dans cette désertion de Wilkie, que c’est réellement du jour où je le vis ainsi m’abandonner et se dédire, parce qu’un homme haut placé pensait autrement, que je fais dater la fin de ma confiance en lui. »
Nous avons déjà donné la clé de ce langage. Le tableau de Haydon était un mauvais tableau, et Wilkie le voyait ; mais assez naturellement il avait hésité à dire à son ami toute la vérité. Tant que dura leur intimité, le même antagonisme ne cessa d’exister entre eux, et à chaque occasion Haydon s’en plaignit sur le même ton, en s’abandonnant à d’amères interprétations qui donneraient la plus fausse idée du caractère des deux hommes, si on les connaissait seulement d’après ces mémoires. Wilkie, avec son organisation si bien douée au point vue plastique, devait fatalement se trouver en opposition avec une nature aussi peu ouverte de ce côté et aussi dominée par le besoin de briller. Ce que l’un faisait d’instinct, l’autre s’obligeait à le faire par ambition et par vanité, se condamnant ainsi à ne jamais arriver dans une voie où l’impulsion du sentiment naturel est la seule bonne. Le peintre d’histoire (c’est ainsi qu’il se qualifiait) ne pouvait apercevoir les mérites des petits tableaux de genre de Wilkie, et il l’avoue lui-même, quoiqu’il ait admis leur valeur quand ils eurent reçu l’apostille de son dieu, de l’approbation publique. Pour Wilkie, s’il y eut des momens où il se laissa étourdir par les clameurs de Haydon et par la notoriété qu’il prenait d’assaut, ce n’était pas lui qui pouvait accepter comme de véritables révélations plastiques des enfantemens informes, où quelques reflets tronqués du beau et du vrai en fait d’art étaient étouffés sous une masse de