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lui, composa l’Hitopadésa ou Instruction utile. Bien qu’elle ait été écrite plus de cinq cents ans après le Pantchatantra, l’Instruction utile s’en rapproche beaucoup par la forme comme par le fond ; mais le second de ces deux recueils a sur le premier l’avantage d’offrir un cadre plus régulier et plus de logique dans la distribution des diverses parties qui le composent. Il se fit aussitôt un très grand nombre de copies de cet ouvrage attrayant pour tous, et on le reproduisit dans les principaux dialectes modernes de l’Inde. Traduit plusieurs fois déjà en allemand et en anglais, l’Hitopadésa méritait de l’être en français tout au long, et sur les textes les plus complets. Nous devons donc nous féliciter d’en posséder aujourd’hui une version faite en notre langue avec beaucoup de soin, et munie d’un appendice indiquant les imitations nombreuses auxquelles a donné lieu l’apologue indien dans les littératures de l’Europe.


I.

L’Hitopadésa, comme l’indique son nom, qui signifie littéralement instruction utile, est tout à fait un livre de morale. Au lieu d’enfiler les fables les unes à la suite des autres, à l’exemple de son devancier, — et d’en faire ce qu’il eût pu appeler dans sa langue expressive un collier d’apologues, — le docte Nârâyana a divisé son travail en quatre parties, dans chacune desquelles domine une idée principale représentée par un titre spécial : l’Acquisition des amis, la Désunion des amis, la Guerre, la Paix. À la rigueur, ces quatre divisions pourraient se réduire à deux : Amitié et Discorde, ou mieux Union et Désunion. Toutefois, en procédant comme il l’a fait, l’auteur a voulu séparer les petites choses des grandes, et montrer ce que produisent de biens précieux et de maux terribles, dans les familles comme dans les empires, les deux états opposés de paix et de guerre.

Voilà donc un plan bien tracé, une tour à quatre faces, dont les apologues forment les pierres, et qui a pour ciment les sentences et les citations de toute sorte largement mêlées au récit. Quant au procédé employé par l’auteur de l’Hitopadésa, et qui consiste à donner sommairement le début d’un apologue d’où sortent, comme les rameaux du tronc, d’autres fables dans lesquelles apparaissent de nouveaux personnages, il faut recourir aux citations pour le faire bien comprendre. La fable intitulée le Daim, le Chacal et le Corbeau nous fournira un excellent exemple.


« Dans le pays de Magadha, il y avait une forêt… Dans cette forêt