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de tenter les derniers efforts pour le rétablissement complet du prince de Condé et du duc d’Enghien, son fils. Si difficile que fût cette tâche, don Louis de Haro, circonvenu par les nombreux agens de M. le Prince, au premier rang desquels se faisait remarquer Pierre Lenet, conçut l’espérance de l’accomplir en opposant l’impassibilité castillane à la vivacité bien connue du cardinal. Il attaqua celui-ci par son tempérament, multipliant à chaque conférence les formalités, les lenteurs et les plus subtiles inventions de l’esprit dilatoire. Don Louis comptait sur l’ennui profond qu’inspirait au ministre un séjour prolongé dans un bourg des Pyrénées ; il espérait quelque chose de la mauvaise santé du cardinal, aggravée par l’insalubrité des lieux ; il comptait sur le désespoir qu’il ne manquerait pas d’éprouver au milieu de ces âpres montagnes, en voyant approcher l’hiver avec ses neiges et ses frimas, sans que rien fût encore terminé entre les deux cabinets.

Mais Mazarin fit une défense aussi résolue que l’attaque, et, convaincu que la patience allait devenir le premier élément du succès, il demeura jusqu’au bout pleinement maître de lui-même. À la tactique qui consistait à ne point conclure, sans toutefois s’exposer à rompre, il opposa péremptoirement la menace d’une rupture à laquelle il savait fort bien que ne s’exposerait pas la cour d’Espagne, quelque passion qu’elle mit à servir les intérêts du prince. Il fallut donc changer de batterie pour entamer l’inflexible résolution du cardinal. Don Louis de Haro y parvint en annonçant, sur l’ordre formel du roi son maître, que celui-ci renonçait à fléchir le roi de France en faveur de son parent malheureux, mais que, ne pouvant sans déshonneur abandonner un homme qui s’était fié à elle, sa majesté