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l’importunité des amis, sans repousser leur sollicitude. On respecte de même le repos des femmes en couche : un avis déclare que la mère et l’enfant se portent bien. A Harlem, le marteau de la porte est orné d’une dentelle et de rubans dont la couleur indique le sexe du nouveau-né. Si la personne malade vient à mourir, son décès est annoncé dans la ville par l’aanspreker, sorte de billet de faire part vivant, dont le costume un peu tragique, le crêpe noir, le manteau, le rabat, le chapeau à cornes, le ton de voix lugubre et déclamatoire, étonnent beaucoup les étrangers. On dirait le revenant des vieilles mœurs hollandaises. Cet homme annonce également les naissances et les décès, ceux qui viennent et ceux qui s’en vont. Les enterremens se font le matin avec une pompe sévère et discrète. Les amis qui ont suivi le convoi se rendent, après la cérémonie, à la maison mortuaire, où ils font une légère collation, en souvenir sans doute de ces anciens repas où l’on buvait dans de larges coupes à la santé du mort.

La Hollande, on l’a vu, est de tous les pays celui où l’homme a pour ainsi dire contracté le mariage le plus intime avec la forme géographique. Les mœurs, les institutions, les coutumes des habitans découlent des conditions que la nature a faites aux anciens conquérans de la Néerlande. Ces masses d’eau qui se laissent traiter par la main de l’homme avec une soumission d’enfant, comme si elles avaient fini par reconnaître la supériorité de la force intelligente, ont en quelque sorte assisté aux progrès de la civilisation. Paisible comme ses canaux, vigoureux comme ses dunes, terrible sur mer comme les tempêtes qui battent ses côtes, le génie hollandais est en harmonie avec le caractère de son territoire. Les deux principales industries des Pays-Bas, l’extraction de la tourbe et la pêche, se rattachent également à la constitution du sol. Il était donc essentiel d’indiquer d’abord la formation géologique de la Néerlande et le rapport de cette formation, ouvrage combiné de l’homme et de la nature, avec les habitudes d’un peuple qui s’est fait lui-même. Si les primitifs Bataves revenaient en Hollande, ils ne retrouveraient plus leurs anciens marais, mais ils reconnaîtraient dans leurs descendans l’empreinte de la race et des circonstances extérieures qui l’ont modifiée.


ALPHONSE ESQUIROS.