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L’été, deux et trois températures se succèdent quelquefois dans une même journée. Si les saisons sont des climats voyageurs, ces voyageurs-là ont en Hollande l’humeur capricieuse et changeante. Même en été, l’humidité persiste longtemps après que les années de moulins, ces sentinelles préposées à la défense physique du pays, ont, au mois d’avril ou de mai, desséché les polders inondés pendant tout l’hiver. Par le soir des plus beaux jours, une vapeur blanche s’élève de terre et fume à la surface des prairies. Il serait intéressant de savoir si la culture et les ouvrages hydrauliques, en réchauffant le sol de la Néerlande, ont modifié les conditions de l’air; malheureusement l’histoire météorologique est encore dans l’enfance. Il existe à Utrecht un observatoire dont les travaux sont estimables, mais dont les expériences ne remontent qu’à quelques années. Tout porte cependant à croire que le climat des Pays-Bas s’est amélioré depuis les temps historiques. Si les monumens authentiques manquent pour apprécier cette amélioration, il n’en est pas moins vraisemblable que le dessèchement des lacs et des marais a dû exercer sur les saisons de la Batavie une influence heureuse. En chassant les eaux intérieures, le pays a dû s’assainir, et il perfectionne encore tous les jours les conditions d’un climat qui reste toutefois soumis aux bourrasques et aux caprices de la mer. Les fléaux d’ailleurs apportent avec eux une compensation. L’humidité devient un des élémens de la culture. L’inondation renouvelle chaque année la fertilité des terres. On lui doit ces riches et luxuriantes prairies de la Nord-Hollande, où les bêtes à cornes, perdues dans l’herbe, sont nonchalamment occupées à faire du lait. Dans les terres ainsi fécondées, la végétation est, on peut le dire, insolente de santé.

L’excentricité du milieu géographique crée, entretient, conserve l’originalité des coutumes nationales. On connaît l’ancienne réputation des kermesses hollandaises. Chaque ville, chaque village a la sienne, qui tombe ordinairement pendant l’été. Ces fêtes durent plusieurs jours. On y voit des boutiques, des charlatans, des animaux plus ou moins fabuleux, des parades, des manèges, des géans, des figures de cire, des chevaux de bois. Les jeunes filles vont se faire dire la bonne aventure dans une cabane de toile, antre discret et caché de la sibylle foraine. Ce qu’il y a de plus élégant, ce sont de petites maisons en bois d’un goût un peu théâtral, avec des lustres, des miroirs, quelques porcelaines, des dorures, des meubles peints non sans un certain art, de grands vases de cuivre remplis d’une pâte blanche, et une femme assise sur une chaise haute devant un feu qui pétille. Dans ces maisons portatives sont des cabinets particuliers fermés de rideaux rouges et blancs, où l’on mange des manières de crêpes larges comme un écu de cinq francs. Un autre