Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/797

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naturelles qu’on ne voit pas ou qu’on n’observe pas toujours, mais dont le lien, si délicat qu’il soit, existe pourtant. D’un autre côté, il est dans la nature de l’homme, et surtout dans celle de la femme, de s’attacher d’autant plus à son intérieur, que cet intérieur est plus net ou plus orné. La propreté des habitations a contribué en Hollande à faire aimer la vie de famille. La maison, que les anciens appelaient « le monde de la femme, » mundus muliebris, a besoin, pour la contenir tout entière avec ses goûts et ses affections, d’être une image en petit de l’ordre qui règne dans l’univers. Cette propreté, qu’on retrouve ici jusque dans les écuries et les étables, n’est point étrangère à la belle santé des gens et des animaux domestiques[1] . Dans les villages, on aime à rencontrer, surtout le dimanche, une population forte, saine et bravement vêtue. Les femmes portent des ornemens de tête aussi riches que bizarres : elles ont fait ce jour-là leur toilette et leur prière pour être belles devant Dieu et devant les hommes.

La plus grande partie du roulage des Pays-Bas se pratiquant par les canaux, les routes sont généralement magnifiques et entretenues comme les allées d’un parc. Il arrive de trouver réunis sur la même route un chemin de halage, un chemin sablé pour les piétons, un chemin pavé en briques pour les voitures[2] et un chemin de terre molle pour les chevaux de selle. Le goût des fermiers se révèle dans leurs chariots, qui sont d’une forme élégante, avec des bouquets de fleurs peints, sculptés ou dorés sur la caisse de la voiture. Par la vue des Pays-Bas, on peut se faire une idée de l’art hollandais. Le ciel n’est pas baigné, comme dans le midi, par une lumière si intense qu’elle absorbe tout; non, c’est une lumière prudente et discrète, mais vive, qui laisse une valeur à chaque objet. L’eau, qui est toujours ici l’âme et la vie du paysage, répand entre les arbres des tons argentés. Dans les plaines, où l’herbe abonde, s’ébat l’Arcadie avec ses troupeaux, ses bergers et surtout ses bergères. La figure des femmes est délicatement éclairée. Dans un tel milieu, l’art visera moins à l’ensemble qu’aux détails et à la couleur. On a reproché à l’école hollandaise de manquer d’idéal. Ce qui donne l’idéal aux paysages, ce sont les horizons étendus, vagues et découverts. Dans les Pays-Bas, les horizons sont généralement courts, précis, bornés;

  1. C’est dans la Nord-Hollande qu’il faut visiter ces salons destinés aux bestiaux. Le plancher est luisant de propreté. Les vaches se succèdent côte à côte sur une plate-forme qui est également nette et sablée. Les ordures sont reçues dans une rigole. Pour que les vaches ne se salissent point en se couchant, on suspend leur queue avec une ficelle attachée au plafond
  2. Il y a en Hollande deux sortes de briques : les rouges, qui servent à bâtir les maisons, et les jaunes, qu’on emploie pour paver les trottoirs et les routes.