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I.

Le territoire hollandais fut couvert par deux invasions successives. Pour s’attacher au sol primitif de la Néerlande, il fallait des races éprises de l’obstacle. Tel était le caractère des Bataves et des Frisons. Braves, les Barbares l’étaient tous; mais ceux-ci se distinguaient par des qualités solides et par un genre de courage peu commun, — le courage contre les choses. Les obstacles de la nature ne se laissent point emporter par ces facultés brillantes qui décident souvent du sort des batailles; pour les vaincre, il faut plus de résolution que d’enthousiasme et plus de persévérance que d’ardeur. Une fermeté calme et inébranlable, tel est en effet le trait dominant du caractère hollandais. Cette persistance est ici dans le sang. Quand on veut connaître les inclinations et les forces primitives d’une race, ce n’est point seulement sur les hommes faits qu’il faut les étudier, c’est aussi et principalement sur les enfans. On peut distinguer plus aisément chez ces derniers ce qu’il y a de tracé par la nature. En France, un des attributs du premier âge, c’est la légèreté, l’étourderie, la mobilité des goûts et des impressions; les enfans de nos écoles passent sans cesse dans leurs récréations d’un exercice à un autre; ils aiment la diversion, le changement. Les enfans hollandais pratiquent au contraire le même jeu pendant des heures entières. On les étonnerait beaucoup en leur disant que l’ennui naquit un jour de l’uniformité; ce ne doit pas du moins avoir été en Hollande. Ici les mêmes occupations et les mêmes plaisirs se succèdent sans amener cette maladie de l’âme qu’on appelle ailleurs le dégoût. Dans les travaux publics, dans l’agriculture et l’industrie des Hollandais, on voit se reproduire en grand les traits de cette persévérance, qui est le véritable génie de la race. La force de ce petit peuple qui a fait de grandes choses consiste dans la patience. Il s’est donné dans sa lutte contre les élémens et contre les nations rivales un allié irrésistible, le temps. Le Hollandais est actif; mais ce n’est point par une activité turbulente, c’est par un travail silencieux, soutenu, régulier, qu’il arrive à ses fins. Ces qualités, dont le germe était sans aucun doute dans le tempérament des Bataves et des Frisons, se sont accrues et fortifiées par la lutte avec le sol des Pays-Bas. C’est ainsi que le caractère national résulte des forces primitives de la race et de la réaction que ces forces humaines sont appelées à exercer contre les agens du monde physique.

Pour vivre, la Hollande avait besoin d’être riche. Cette nécessité lui était imposée par la nature même du territoire. L’entretien des digues, des canaux, des écluses, était une source de charges sans cesse renaissantes. La création d’un système de défense contre les