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des Hollandais, il ne manque après tout qu’une chose, la ressemblance : c’est qu’on a oublié de comparer les habitans au pays.

La Néerlande, cette patrie d’une conformation si singulière, a donné naissance à un caractère national qui est unique. Bien différens de leurs voisins les Belges, chez lesquels toute originalité de race est effacée, les Hollandais ne ressemblent dans le monde qu’aux Hollandais. Or il en est des peuples qui ont une physionomie tranchée comme des individus, ils se prêtent plus que d’autres à la caricature. En ne tenant compte que des traits extérieurs de la nationalité et en grossissant ces traits, il est facile, avec un peu d’esprit, de faire rire aux dépens du peuple néerlandais. Seulement celui qui chercherait là le véritable caractère des Pays-Bas tomberait dans une étrange erreur. Ce caractère, quoique simple et naïf, se compose néanmoins d’une foule de nuances délicates qu’il est très difficile de saisir et plus difficile encore d’indiquer. Il faut pour cela remonter aux causes sous l’influence desquelles s’est formé ce qu’on peut appeler à juste droit le type hollandais, et ces causes, bien que très diverses, peuvent être toutes ramenées à une seule, les particularités du sol. La nature a été ici le cadre de la civilisation. Un grand penseur a introduit en histoire naturelle ce principe : « tel est l’organe, telle est la fonction. » On pourrait dire de même : telle est la constitution physique d’une race, telles sont ses institutions, ses facultés dominantes, ses lois, ses traditions, son histoire; tel est en un mot son génie. Cette constitution des races, principe et souche des sociétés, est d’un autre côté en harmonie avec le milieu géographique. L’homme, en sa qualité d’être intelligent, échappe plus qu’aucun être créé aux lois matérielles de sa planète, mais il ne leur échappe pas entièrement : il reste, à beaucoup d’égards, le parasite du globe terrestre sur lequel l’a greffé la naissance.

Nous avons vu que les Hollandais ont fait la Hollande[1] ; mais le territoire ainsi constitué a plus tard réagi sur les habitans. Il y aurait donc lieu de rechercher les influences qu’un pays si différent des autres, né dans des conditions si particulières et si excentriques, a dû exercer sur le caractère national, sur le gouvernement et sur certaines habitudes de la vie. Nous avons surtout en vue les habitudes que le commerce incessant avec les eaux a dû développer dans la population si nombreuse qui flotte sur les rivières, sur les canaux ou sur la mer. La topographie liée à l’histoire des mœurs, tel sera l’objet de cette seconde étude, dans laquelle nous nous attacherons à montrer le rapport constant qui existe entre la constitution du sol et la forme intellectuelle ou morale de la vie dans les Pays-Bas.

  1. Voyez la livraison du 1er juillet dernier.