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« Violette venait de se coucher lorsque Théodora entra, s’assit au pied du lit en regardant sa belle-sœur, et répondant à peine aux quelques paroles que celle-ci osait prononcer. Ce ne fut qu’à minuit qu’elle se leva pour se retirer.

« — Allons, il faut partir ; mais je ne puis me lasser de vous contempler. Je pars, et il me semble que c’est comme si j’étais chassée du lieu unique où je puis être bonne.

« — Non, chuchota Violette, partout où nous avons un devoir à accomplir, nous pouvons être bons.

« — Je le pourrais, si je vous avais avec moi pour me calmer et me dire de telles paroles.

« — Vous n’avez pas besoin de moi pour vous les dire : vous avez la Bible et le Prayer Book.

« — Je n’ai jamais connu la manière de suivre leurs maximes, et maintenant que j’ai trouvé la route à suivre, il me faut m’éloigner de vous.

« — La même grâce divine qui vous a montré le chemin vous conduira plus loin encore, chérie, si vous voulez la suivre, quoique la route soit rude à parcourir.

« — La grâce divine peut être avec vous, elle est avec vous, dit Théodora d’un ton de voix morne et désespéré ; mais, Violette, pensez combien de temps je me suis écartée de la bonne voie !

« Violette s’assit sur son lit, prit sa main, la serra entre les siennes, et s’écria avec des larmes : — Il ne faut pas parler ainsi ; si vous n’aviez pas la grâce, auriez-vous tant de chagrin maintenant ?

« — Je ne sais, je puis espérer et voir distinctement la route qui conduit à la paix, lorsque vous me regardez ou que vous me parlez ; mais pourquoi suis-je obligée de rentrer dans le désert de mon propre cœur, abandonnée à la solitude et à la tentation ?

« — Si c’est sur moi que vous vous reposez réellement, au lieu de vous reposer sur le seul véritable appui que nous ayons, il vaut mieux que vous soyez obligée de le chercher vous-même. Théodora chérie, voulez-vous me permettre de vous raconter quelque chose de mes propres expériences ? Lorsque je vis pour la première fois les difficultés de la vie et que je ne pus plus chercher l’appui de ma mère, il me sembla d’abord que je ne pourrais plus trouver aucun soutien ; mais l’appui cependant ne me fit pas défaut. Je vis que je pouvais trouver des conseils et des consolations dans la Bible et dans la religion, et je n’ai jamais été aussi heureuse que depuis cette époque.

« — Il guidera le jugement de ceux qui sont doux, à ceux qui sont humbles il montrera la route, murmura Théodora en se penchant vers sa belle-sœur, tandis que les larmes coulaient de ses yeux.

« — Il se manifeste lui-même à ceux qui veulent le suivre et dompter leur volonté personnelle, répondit Violette. »


Encore un mot sur ce sujet. L’anglicanisme de miss Yonge, avons-nous dit, n’affecte jamais de formes dogmatiques. Il n’aime pas la controverse ; il se borne à faire appel au sentiment. De tels livres semblent comme un écho affaibli des doctrines traditionnelles de