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mauvaise que telle ou telle autre secte protestante, elle est même plus compréhensive, elle admet un plus grand nombre d’élémens religieux ou humains, elle satisfait plus largement que beaucoup d’autres sectes aux différens instincts de l’âme humaine. Seulement son union intime avec l’état, qui lui prête une grande force politique et terrestre, lui enlève en même temps toute indépendance spirituelle et toute liberté morale d’action. Cette fausse position de l’église anglicane ne s’est révélée que de nos jours, où elle a frappé tous les yeux. Les âmes qui avaient adopté jusqu’alors l’église établie comme un préservatif contre les dangers extrêmes de la liberté religieuse, — par haine des interprétations arbitraires des sectaires, des périls d’une foi sans conseils ou appuis extérieurs, des bizarres visions auxquelles peut aboutir une foi individuelle sans contrôle, — ont fini par s’apercevoir que cette église anglicane ne donnait pas satisfaction à leurs pensées et ne les rassurait que fort incomplètement contre leurs craintes, qu’il y avait à côté d’elle une église infiniment plus logique, plus compréhensive, plus universelle en un mot, l’église romaine. D’un autre côté, les personnes qui dans le protestantisme voient surtout le triomphe de la liberté religieuse et de la foi individuelle ont fini par apercevoir que l’église anglicane était moins une église qu’une institution politique, et ils se sont retournés vers les dissidens. C’est cette disposition des esprits qui a donné tant d’animation aux controverses religieuses des vingt dernières années, et tant d’audace à la propagande catholique ; mais cet état moral et ces controverses sont purement négatifs et ne peuvent qu’affaiblir l’église anglicane sans grand profit pour le catholicisme. Le catholicisme ne pourra enlever à l’église établie que quelques-uns de ses sectateurs les plus cultivés et les plus opulens, un Henri Newman, un lord Spencer ; il ne convertira pas un paysan des comtés ou un batelier de la Tamise. La grande erreur de la propagande catholique a été de croire que la chute de l’église anglicane pourrait jamais entraîner la chute du protestantisme, et de ne pas voir que le peuple anglais était plus protestant que son église, église dont sans doute il n’a pas fait une étude philosophique bien approfondie, mais qui a le grand mérite d’exprimer à ses yeux un préjugé si l’on veut, un préjugé invétéré, la négation de l’église romaine.

L’église anglicane conserve ainsi son influence sur le peuple, et si quelques idées hostiles ont été répandues dans les rangs populaires pendant les dernières années, ce sont de misérables idées qui n’auront jamais un grand avenir, des déclamations à la française contre les prêtres et leurs richesses, éditées par quelque journal chartiste hebdomadaire, œuvre de quelque méprisable écrivain « journaliste de la canaille, » me disait un jour un des écrivains les plus