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une charité inépuisable, une inclination de bienfaisance que rien ne pouvait lasser.

Nous venons d’indiquer rapidement les points principaux des Études de M. Floquet, et nous estimons que maintenant la partie de la vie de Bossuet qui s’écoula de 1627 à 1670 est en tous sens explorée. En est-il de même des années 1670 à 1704 ? N’ayons-nous rien de considérable à apprendre sur cette dernière et importante période ? Tous les détails, tous les manuscrite qui s’y rapportent ont-ils été publiés ? Nous ne le pensons pas, et nous nous plaisons à espérer que M. Floquet se décidera prochainement à mettre la dernière main à son instructif ouvrage.


F. NOURRISSON.


THEOLOGIE DE LA NATURE, par M. H. Straus-Durckheim[1]. — Les philosophes de profession ne sont guère naturalistes. La plupart se contentent de notions superficielles sur l’organisation des êtres et se bornent à observer l’intelligence humaine dans ses formes les plus élevées. Un petit nombre de faits leur suffit pour construire des systèmes abstraits, qui paraissent aux savans plus ingénieux que solides, et se disputent depuis longtemps l’empire des idées sans pouvoir jamais arriver à une conquête définitive. Il y a une autre méthode qui serait appelée en philosophie à mieux commander la conviction : elle consisterait à interroger incessamment la création, à n’accepter strictement que ce qui semblerait la conséquence rigoureuse des phénomènes observés à tous les degrés de l’échelle organique. Cette méthode pourrait, comme la première, conduire à une théodicée et à une morale. De ces deux sciences, l’une serait la théologie métaphysique, et l’autre la théologie de la nature. L’ouvrage de M. M. Straus-Durckheim est une tentative pour constituer cette seconde science, demeurée jusqu’à présent plutôt à l’état d’aspiration que de doctrine. Pénétré de la plus vive admiration pour la structure des êtres vivans et y reconnaissant une preuve manifeste de l’intervention d’une sagesse infinie, l’auteur a voulu mettre dans tout leur jour les merveilles du monde animal. Sans doute il n’y a pas que le règne organique qui témoigne de l’intelligence suprême présidant à la formation et à la coordination de l’univers : cette intelligence, elle peut se lire sur bien d’autres pages du grand livre de la nature ; mais la main de Dieu est dans l’ordre inorganique moins visible que dans la constitution des êtres. Dans les faits purement physiques, le théâtre de l’intervention divine est si étendu, que notre œil ne peut l’embrasser, et, réduit à n’en apercevoir que des points circonscrits, l’harmonie de l’ensemble lui échappe. Là où un horizon plus vaste nous révélerait accord et perfection, nous ne voyons, cantonnés que nous sommes dans un coin de l’univers, que jeu de forces fatales, concours fortuit de phénomènes matériels. Il n’en est pas de même dans les corps vivans. Ici l’ensemble peut facilement être saisi, chaque animal est un tout complet. Observez, et vous découvrirez peu à peu le rôle de chacun des organes, la corrélation des divers appareils, la fin de chaque fonction. Plus le naturaliste scrute, plus il fouille, plus il pénètre, plus le mystère de cet organisme si complexe se résout pour lui en un assemblage de lois merveilleuses de prévoyance et de sagesse.

  1. Quatre volumes in-8o, Masson, 1852-1854.