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Partagent le travail du bon fermier, leur hôte.
Le saint vieillard instruit les pâtres, les enfans ;
Toi, versant le trésor de tes livres savans,
Tu dis les arts nouveaux, la nouvelle culture,
Et ta leçon paîra la sobre nourriture.
Qu’un mal à soulager vous appelle au dehors,
Vous voilà, médecins et de l’âme et du corps,
Déguisés tous les deux sous un habit rustique,
De partir ; mais un bloc de roche granitique,
Une plante marine, un insecte inconnu,
Souvent fixent tes yeux. Le vieillard ingénu,
Disciple en cheveux blancs, apprend, belle âme pure,
Par amour de son Dieu, l’amour de la nature.
Toi-même avec bonheur, comme un doux écolier,
Tu forces ton esprit superbe à se plier ;
Tempérant ta raison, loin du monde sensible,
Tu suis l’inspirateur aux champs de l’invisible,
Dans ce qu’il faut comprendre avec le cœur et voir.
O fraternel accord de l’âme et du savoir !
Toi, proscrit du forum, et lui, de son église,
Le niveau du malheur tous deux vous égalise ;
Vous avez su trouver, sous un chaume écarté,
La science pieuse avec la liberté ;
Tous deux, quand vous passez, la paix sur le visage,
Le sage a l’air d’un prêtre et le prêtre d’un sage.


IV.

Le Gardien du Phare.

À M. A. de Courcy

Enfermé dans sa tour depuis bien des semaines,
À neuf milles en mer, par une sombre nuit,
Comme un maudit exclu des familles humaines,
Le bon gardien chantait pour calmer son ennui.

I.



« Sur un îlot désert, si je vis en sauvage,
Ce n’est point par horreur des choses de notre âge ;
Comme un pieux ermite, hélas ! seul en ce lieu,
Hélas ! je ne suis point venu pour prier Dieu.

II.



Dans une tour de pierre au-dessus de l’abîme
Les hommes ne m’ont pas enfermé pour un crime ;