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Aux murmures des vents, aux lueurs des étoiles,
Là, tu suivras encor tes croyans, tes héros :
Dans l’orage le fort sait trouver le repos.


II


En ces temps, liberté, tu désertais nos villes
Toutes rouges de sang ; sous les bois, dans les îles,
Les derniers girondins, échappés de prison,
Se cachaient ; Condorcet avait bu le poison !
Un d’eux, errant au fond de l’extrême Armorique,
Arriva sur le seuil d’une chapelle antique ;
Mais il s’enfuit, troublé par des chants dissolus :
L’homme n’a plus d’asile où Dieu n’habite plus.
Au tomber de la nuit, la mer tranquille et verte,
Devant ses pas lassés, la mer était ouverte ;
Seul ; debout sur la grève, il rêvait à son sort,
Quand des rochers voisins un prêtre, un vieillard sort ;
Puis un bateau, conduit par les anges peut-être,
Glisse entre les récifs pour recevoir le prêtre.
Aussitôt le proscrit : « Mon père, sauvez-moi !
— Entrez, mon fils ! Malheur à qui n’aime que soi ! »

Et les voilà voguant et le prêtre et le sage :
La lune avec douceur éclairait leur visage.


III


O rochers de Penn-marh, Glen-nant, sombres îlots,
Cap aimé de la mort, effroi des matelots,
C’est parmi vos écueils que la barque fragile
Au large s’avançait ; mais l’aviron agile
Faisait, par ce beau soir, jaillir des lames d’or,
Et la barque avançait, elle avançait encor.
Enfin, à l’horizon quand disparut la côte,
L’aviron s’arrêta sur la mer pleine et haute.
Là vingt autres bateaux, bateaux durs et pesans,
Attendaient, et marins, pêcheurs et paysans,
Tous priaient en silence, assis près de leurs femmes.
Lorsque vers son troupeau vint le pasteur des âmes,
Il dit en élevant sur eux son crucifix :
« Que la paix du Seigneur soit avec vous, mes fils ! »

Rome, j’ai visité tes saintes catacombes,
Les autels des chrétiens primitifs et leurs tombes ;
Sous la torche funèbre, un moine m’a conduit
Dans les détours sans fin de l’immense réduit,