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« Pleurez, veuves ! de pleurs inondez cette argile !
Nos pères et nos fils ne viendront plus dans l’île :

« Dans la couche éternelle, on ne voit pas chez nous
Les femmes reposer auprès de leurs époux ;

« Mais pour garder leurs noms, apprenez-nous, ô veuves,
S’il n’est plus dans ce champ bénit de places neuves. »


IV


O rites inspirés, religieux tableaux,
Toujours du sol breton vous surgissez nouveaux !

Après mille récits sur les lieux, sur les choses,
Le poète disait : Mes histoires sont closes…

Et pour semer l’air fort qui vient de l’exalter,
Fervent révélateur, il se prend à chanter.


III.

Les deux Proscrits.

I.



La trace de leurs pas vit encor sur la grève,
Le toit qui les couvrait sous les ornes s’élève,
Leurs nobles souvenirs ne sont pas effacés,
Leurs pensers font germer et grandir les pensers.

Liberté, quand ton vol descendit sur la terre,
L’homme en son cœur enfant te reçut, vierge austère,
Et toi, de ses instincts lui remettant le choix,
Tu brillas dans ses yeux, tu parlas dans sa voix.
Dès lors, noble au-dessus de toute créature,
Souverain de lui-même et roi de la nature,
Il inventa les arts, il bâtit la cité,
Et s’imposa des lois, filles de l’équité.
Si l’injuste est plus fort, brisant toutes ses chaînes,
Sur les rocs nuageux ombragés par les chênes,
Déesse, tu conduis tes chers indépendans ;
Le fusil sur l’épaule et le poignard aux dents,
Pour leur Dieu, leur foyer, pour leurs landes natales,
Ils mourront, ils tûront, rendant balles pour balles,
Et si la terre manque à leur pied libre et lier,
Solitude sans borne, il leur reste la mer,
Leurs flottantes maisons que recouvrent les voiles ;