Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/669

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


II.


Vers cette même plage, après maintes années,
Je reviens : sur le bord, les feuilles sont fanées ;
C’est l’été qui décline et le déclin du jour,
C’est la mer qui descend ; les vagues tour à tour
Semblent se lamenter à regret fugitives.
Des goélands aussi que les voix sont plaintives !
L’Océan rétrécit son magique lointain,
Le ciel est abaissé, l’horizon incertain.
Adieu les longs projets et les rêves sans borne !
L’esprit vers le passé se tourne froid et morne ;
Sans espoir de retour on quitte chaque lieu,
À tout ce qu’on aimait il faut dire un adieu. —
Mais des arbres touffus qui pendaient sur la grève,
Quels fruits mûrs sont tombés ! Aux jours frais de la sève,
J’ai respiré les fleurs, je savoure les fruits.
La mer, en s’éloignant calme, tiède et sans bruits,
Sur l’arène brillante, aux algues, durs feuillages,
La mer a sous mes pas mêlé ses coquillages :
La moisson va s’ouvrir ; sur le lit des galets
Tandis que les pêcheurs étendent leurs filets,
Les pieds fins des enfans et des filles alertes
Bientôt seront marqués sur les plages désertes…
O richesses du soir ! quand notre soleil fuit,
Arrivent par milliers les soleils de la nuit.

II.

Les Iliennes[1]

I.

Par un soir de grand deuil, de tous les bords de l’île,
Vers l’église on les vit s’avancer à la file ;

Chacune elles avaient leur chapelet en main,
Lentement égrené par le triste chemin ;

Jusqu’à terre à longs plis pendait leur cape noire,
Mais leur coiffe brillait blanche comme l’ivoire.

  1. Les iliens, les iliennes, nom local dont la nuance se perdrait dans le grand mot insulaire.