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II

Il importe maintenant d’exposer en abrégé la doctrine de M. Jean Reynaud et ses preuves. Les théologiens donneront leur avis sur les argumens théologiques ; nous demandons la permission de n’examiner que les preuves philosophiques, et nous souhaitons pour lui que les textes qu’il oppose à l’église soient plus concluans que les raisonnemens qu’il présente à la raison.

Quelques mots suffisent pour résumer sa doctrine. — Notre âme a vécu avant sa naissance dans d’autres mondes. — Elle trouve ici-bas une condition et une organisation conformes à la conduite qu’elle a menée dans ses vies antérieures. Après la mort, elle passe dans un autre astre, s’y incarne dans un corps, et y rencontre un bonheur ou un malheur proportionnés à ses mérites ou à ses fautes. — Les astres sont en nombre infini, et de toute éternité Dieu en crée à chaque instant un nombre infini. Ils sont tous peuplés d’êtres intelligens, et servent d’habitations successives aux âmes. — Ils forment une série de mondes de plus en plus parfaits. La destinée de chaque âme est de monter sans cesse d’un monde dans un autre monde supérieur, de s’y former un corps plus beau que celui qu’elle laisse, et d’y rencontrer un bonheur plus grand que celui qu’elle quitte. — Les âmes coupables descendent dans des astres malheureux, et les douleurs qu’elles y souffrent corrigent peu à peu leurs inclinations vicieuses et les ramènent à la vertu par le repentir. — l’univers est ainsi le théâtre d’une série infinie de transmigrations incessantes, qui toutes ont pour but et pour effet l’amélioration des êtres, et manifestent la justice et la providence de Dieu.

Personne ne niera que ce système ne soit fort beau, et qu’il n’ait fallu presque autant de talent pour l’imaginer que pour bâtir un poème épique. La question est de savoir s’il est prouvé. Et d’abord nous avions le droit d’espérer que l’auteur commencerait par renverser les objections si connues et si frappantes que les physiologistes et les psychologues peuvent accumuler contre lui. Quand on suppose, comme M. Reynaud, l’âme créatrice de son corps, on est tenu de réfuter les faits qui prouvent combien elle est dépendante de ce corps. Il est trop commode de la faire ainsi voyager d’un bout à l’autre du ciel. M. Jean Reynaud passe par-dessus les objections sans les voir, et pose comme premier principe les incarnations et les émigrations qu’il s’agit de démontrer.

Nous n’avons aucune preuve pour admettre que les astres soient habités. Il y en a deux que nous pouvons observer, — la Terre et la Lune. Selon toute vraisemblance, la Lune est déserte et impropre à la vie. La Terre est peuplée d’êtres intelligens depuis six