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de la magistrature, compromise par ses alliés, désertée par l’opinion, et contrainte de dissimuler durant plus d’un siècle désespérances si amèrement déçues. Le parlement, après une courte translation à Pontoise, avait été rappelé à Paris par le roi, et les particuliers composant sa cour de justice avaient été cités par devers lui, moins une dizaine de conseillers auxquels, de son autorité souveraine, il avait infligé la prison ou l’exil. Ceux-ci n’avaient été frappés d’ailleurs ni par un sentiment de vengeance, ni encore moins par un sentiment d’appréhension. Le jeune roi, majeur désormais, et moins émancipé par son âge que par sa victoire, avait entendu, en atteignant au sein du parlement les hommes les plus engagés dans les luttes précédentes, constater aux yeux des peuples l’impuissance, et, s’il est permis de le dire, le désarmement définitif de ce grand corps. Ce fut donc sans aucune protestation que la cour enregistra la déclaration qui établissait en même temps et la vanité de ses prétentions politiques et le dangereux triomphe obtenu par le pouvoir absolu dans le pays le moins disposé à le supporter, en même temps que le plus incapable de le restreindre. « Toute autorité nous appartient, disait le monarque adolescent ; nous la tenons de Dieu seul, sans qu’aucune personne, de quelque condition que ce soit, puisse y prétendre… Les fonctions de la justice, des armes et des finances doivent toujours être distinctes et séparées. Les officiers du parlement n’ont d’autre pouvoir que celui que nous avons daigné leur conférer, pour rendre la justice à nos autres sujets. Ils n’ont pas plus le droit d’ordonner et de prendre connaissance de ce qui n’est pas de leur juridiction, que les officiers de nos armées et de nos finances n’en auraient de rendre la justice ou d’établir des présidons et des conseillers pour l’exécuter… La postérité pourrait-elle croire que les officiers de justice ont prétendu au gouvernement général de notre royaume, former des conseils et percevoir les impôts, s’arroger enfin la plénitude d’une puissance qui n’est due qu’à nous[1] ! »

En ceci la royauté avait raison sans doute contre les magistrats, dont les prétentions administratives et politiques touchaient au ridicule ; mais ceux-ci avaient raison à leur tour contre le pouvoir, lorsqu’ils trouvaient mauvais un régime qui plaçait vingt-quatre millions d’hommes à la merci d’un étranger, en attendant que le progrès, plus rapide encore dans le mal que dans le bien, substituât l’omnipotence des maîtresses à celle des premiers ministres, et le gouvernement de Mme de Pompadour à celui du cardinal Mazarin. Quoi qu’il en soit, à partir de ce jour, le parlement disparut de la scène. Si les souvenirs de son ancienne puissance venaient parfois

  1. Lettres patentes adressées au parlement de Pontoise.