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n’ont pas encore franchi les degrés inférieurs, elles se composent de petites plaques de cuivre avec des figures en relief. Ces plaques sont disposées comme les retables des autels primitifs, elles ont deux ailes ou deux volets qui peuvent se replier sur la principale figure placée au milieu, laquelle est d’ordinaire une très médiocre représentation de la Vierge. Elles n’ont guère plus de trois ou quatre pouces en hauteur comme en largeur. Les passementiers de chaque village les fabriquent eux-mêmes pour quelques roubles ; ensuite on les fait bénir par le pope. Au marché de Nijni-Novogorod, nous vîmes plusieurs boutiques toutes remplies d’obras de différens prix, et nous eûmes la fantaisie d’en acheter. Quelques-unes de ces images, un peu meilleures que celles que je viens de décrire, et toutefois bien mauvaises encore, sont peintes sur une plaque de bois d’environ huit pouces carrés et recouvertes d’un vernis épais. Il en est de plus élégantes où la peinture atteste un art plus avancé, mais cette peinture est cachée par des plaques d’argent ou de cuivre doré qui représentent en relief soit la robe, du saint ou de la sainte, soit la gloire qui rayonne autour de sa tête. C’est seulement devant la figure et les mains que le métal est découpé et laisse voir la peinture. Une bordure brillante encadre le tableau. Chez les plus riches enfin, la gloire est entourée de perles et de diamans, et sur la célèbre image de la Vierge de Kasan, placée, si ma mémoire ne me trompe pas, dans une chapelle du Kremlin à Moscou, ces diamans sont du prix le plus élevé. « A chaque prasdnik ou fête sainte, et le nombre de ces fêtes est considérable en Russie, on allume les lampes ou les cierges devant les obras. Dans les grands jours, à Noël par exemple, les popes s’en vont de maison en maison, chantant à pleine voix leur Gospodi pomilio (Seigneur, aie pitié de nous !) en présence des domestiques de chaque famille, et aspergeant d’eau bénite images et habitans. Or, le jour de la célébration du mariage, le fiancé et la fiancée se rendent chez leurs parens, d’abord chez les pareils du fiancé, puis chez ceux de la jeune fille, afin de recevoir la bénédiction. Une obras est placée sur une table avec un cierge allumé. Devant l’obras est un gros pain rond sur lequel est posée une salière pleine de sel. Un tapis est étendu à terre. La jeune fille entre dans la chambre, accompagnée de sa mère ; elle s’avance d’un pas lent sur le tapis, et fait trois fois son pokorno, c’est-à-dire une sorte de révérence respectueuse, devant la sainte image. Elle commence par se signer solennellement, du front à la ceinture et de l’épaule droite à l’épaule gauche ; puis elle s’agenouille, appuie ses mains à terre et touche, le sol de son front. Trois fois elle s’agenouille ainsi, trois fois elle incline son front jusqu’à terre, et chaque fois sa mère l’aide à se relever en lui prenant la main, car il faut que ce double mouvement se fasse sans hésitation et sans gaucherie. Alors le père s’avance, il soulève l’obras, la promène en faisant une croix au-dessus de la tête de la jeune fille, et prononce la formule de bénédiction. Il prend ensuite le pain et la salière, et répète sur la tête de la mariée la même cérémonie qu’avec l’obras. La jeune fille recommence devant son père et devant sa mère la triple génuflexion qu’elle a accomplie en l’honneur de l’obras, et la cérémonie de la bénédiction domestique est terminée. »

Le mariage à l’église, assez semblable aux cérémonies du culte catholique, ne présente rien de particulièrement remarquable ; j’ajouterai