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l’année suivante, il traversa de 1841 à 1844 toute la contrée qu’habitent les Samoyèdes, les Tonguses, les Syrians et les Ostiakes. Le dernier enfin est un Anglais, M. Hill, qui a visité la Sibérie en 1847[1]. M. Castrén n’a vu que la Sibérie septentrionale ; M. Hansteen, M. Erman et M. Hill ont parcouru ce grand pays dans tous les sens. Suivons-les tous les quatre ; ce sont des guides éclairés, des observateurs précis ; ils ont visité plus d’une région où nul voyageur n’avait encore mis le pied, et leurs narrations, précieuses pour l’ethnographie et pour la science, éclairent souvent d’une vive lumière l’histoire de l’esprit russe.


I. – SCENES DE MOEURS DANS LA PROVINCE DE TOBOLSK.

Avant de peindre les Russes de Sibérie, M. Hansteen a eu l’occasion de noter quelques traits particuliers des Russes de Saint-Pétersbourg. Dès que nous entrons avec lui sur la terre des tsars, nous nous sentons enlacés de toutes parts dans les liens de la vie officielle. L’astronome norvégien devait s’embarquer à Stockholm pour aborder dans un port de Finlande ; recommandé au ministère russe par les plus hauts personnages de la Norvège et de la Suède, il avait lieu d’espérer qu’on abrégerait pour lui les formalités, les perquisitions, les censures de la douane et de la police, plus longues et plus intolérables en ce pays que partout ailleurs ; mais, n’ayant pas trouvé de navire qui fit voile pour la Finlande, il partit directement pour Cronstadt, et il eut à souffrir, soit en cette ville, soit à Saint-Pétersbourg, des vexations inouïes. Des caisses revêtues de scellés, des papiers et des livres déférés à la censure la moins expéditive, le matériel d’un long voyage scientifique retenu à la douane pendant plus d’une semaine, tout cela ne fut rien encore ; la police voulut confisquer comme suspect un fourgon chargé d’instrumens de physique. C’était en 1828. Le comte Cancrin administrait alors les finances de l’empire. M. Hansteen, désolé de se voir ainsi arrêté dès le début de son voyage, s’adressa directement au chef. « Vous avez tort, lui répond brusquement le ministre ; j’étais informé que vous débarqueriez à Abo, et j’avais donné l’ordre de vous laisser passer librement, vous, votre suite et votre bagage, Pourquoi ayez-vous changé de chemin ? » La réprimande était permise, mais puisque le gouvernement était si bien disposé pour le savant norvégien, la logique la plus simple, sans parler de la justice et de l’hospitalité, voulait que le ministre averti s’empressât de réparer l’erreur. Cette pensée ne lui vint pas, et pour expier son manquement aux formalités,

  1. Le voyage de M. Hill a déjà été apprécié ici au point de vue scientifque. Voyez, dans la Revue du 1er juillet 1834, le savant et spirituel article de M. Babinet, la Sibérie et les Climats du Nord.