principe morbifique est entré dans l’organisme, et c’est ce principe qu’il faut tenter d’expulser, sans se préoccuper des accidens secondaires. Toutes les maladies sont donc analogues, toutes ont la même marche et les mêmes périodes. Pour toutes, il y a des jours saillans, ou crises, qui sont d’ordinaire le quatrième, le septième, le onzième, etc. L’art du médecin consiste à savoir si ces jours de crise seront favorables ou défavorables, et quelle issue on doit attendre de la maladie. Ce qui est important, c’est d’aider la nature à chasser de l’organisation le principe morbitique. Ce principe d’ailleurs est mal connu : il est d’ordinaire le produit d’une inégalité dans le mélange des humeurs. Lorsque ce mélange est bien fait, qu’aucune humeur ne prédomine, l’homme est en bonne santé, il y a crase ; si au contraire ces humeurs, dont Hippocrate n’explique ni la nature ni l’utilité, sont altérées par suite des variations dans les saisons, des changemens dans le régime on d’autres causes analogues, il y a maladie. Bientôt la maladie se développe, en d’autres termes les humeurs éprouvent le phénomène de la coction, et la santé ne revient que lorsque l’humeur altérée est expulsée soit par l’effet des médicamens, soit par une action spontanée de la nature. Cette expulsion, c’est ce que l’on appelle la crise. Si elle se fait bien, le malade guérit, sinon il meurt. On peut d’ailleurs prévoir, d’après les accidens éprouvés et d’après les symptômes que plusieurs des traités sont employés à décrire, quel sera l’effet de cette crise. On peut même connaître d’avance le jour où elle aura lieu, car la maladie a des périodes fixes. D’abord les humeurs sont crues, puis elles se cuisent pendant un temps déterminé, puis elles sont expulsées par lacrise. On a donné comme exemple de cette théorie le coryza, ou rhume de cerveau, qui en effet en représente fort bien toutes les phases : d’abord un excès d’humeur, puis la crudité ou l’âcreté, et enfin l’expulsion de l’humeur, adoucie et cuite, pour parler comme Hippocrate. Il faut d’ailleurs remarquer que pour lui l’humeur n’est pas un liquide particulier. La théorie des quatre humeurs, le sang, la bile noire, le phlegme et la bile jaune, lui est postérieure. Ainsi, je le répète, car là est toute la pathologie hippocratique, il n’y a ni affections locales, ni dérangemens accidentels dans les fonctions. La maladie n’est pas une succession de phénomènes et d’accidens séparés, et méritant chacun un soin particulier : c’est un enchaînement logique, une sorte de drame en trois actes qui se joue dans l’économie, dont on peut prévoir la durée, et, si l’on est habile, la terminaison. Il en résulte qu’il n’y a d’important que les symptômes généraux, qu’eux seuls méritent d’être observés, tandis qu’on ne doit tenir aucun compte des altérations locales et des symptômes qui n’indiquent pas une dès trois grandes phases de la maladie : la crudité, la coction et la crise.
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