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causes qu’assigne Hippocrate à la constitution physique et morale des citoyens se réduiraient donc à une seule, l’influence du climat. Or évidemment cela ne peut servira tout expliquer, et il doit y avoir quelque autre cause inconnue qui réside sans doute dans la nature intime, la race même des peuples, car des exemples de tous les temps montrent que des pays très divers ont supporté des gouvernernens très analogues. Platon a dit : Il ne faut pas que les lois soient en opposition avec la nature des lieux ; mais la règle qui gouverne cette analogie n’est pas découverte. Les pâles rayons qui traversent le ciel blafard de l’Angleterre éclairent un peuple aussi libre que la tribu fameuse qui se baignait dans la lumière du soleil incomparable de l’Attique.

Sans insister sur cette partie trop connue de la théorie d’Hippocrate, disons seulement que, dans ce traité, ses observations, même les plus pratiques, sont en général justes, et que, sauf les théories de chimie et de physique, ou touchant la nature de l’eau et des terres, on ne ferait guère mieux aujourd’hui. Les conclusions seraient les mêmes, seulement on les appuierait mieux. Tous les détails qu’il donne sur les pays et sur les hommes sont vrais, et bien des maladies observées par lui ont été retrouvées de nos jours. Comme lui, nous admettons que chaque terre a ses maladies, comme elle a ses animaux, ses hommes et ses végétaux. Plusieurs commentateurs, pour n’avoir pas compris ce principe, ont nié la justesse de quelques-unes des observations d’Hippocrate, qui ont été vérifiées depuis. C’est pour avoir raisonné sur la Grèce et l’Asie comme on raisonnerait sur la France ou sur l’Angleterre qu’on s’est étonné de la fréquence alléguée de certaines maladies, les inflammations de la rate par exemple ; qu’on a nié ses observations sur la luxation spontanée des vertèbres cervicales, maladie qui n’a jamais été vue dans nos climats à l’état épidémique, etc. Les auteurs modernes l’ont justifié de toutes ces accusations. Il faut ajouter toutefois que dès qu’Hippocrate entre dans l’explication des causes, il se trompe. Il voit bien que les maladies changent avec les saisons, mais il veut trouver des causes à ces variations, et il se perd dans des théories sur l’humidité et la sécheresse. Les hommes sont malheureusement nés dogmatiques, et il leur eu coûte pour être timides.

La science fondamentale du médecin doit être, d’après Hippocrate, la séméiotique, c’est-à-dire la science des signes, ou l’observation des périodes des maladies, de leurs jours de recrudescence ou d’affaiblissement. La maladie est pour lui un être de raison, une sorte de principe immatériel qui affecte le principe vital. On n’est pas malade parce que tel ou tel organe est altéré, bien moins encore parce que telle ou telle fonction ne s’exécute pas bien, mais parce qu’un