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l’improviste un excès de joie ou de chagrin, il tressaille et cause des soubresauts, mais cela tient à ce qu’il est très mince et très large. Il n’a point d’ailleurs de cavité où il puisse recevoir le bien ou le mal qui survient, et il n’est troublé par les passions qu’à cause de la faiblesse de sa nature. Il ne ressent rien avant les autres parties du corps, et s’appelle ainsi sans raison, comme un des appendices du cœur s’appelle oreillette, quoiqu’il ne contribue en rien à l’ouïe. » La vie pour Hippocrate est donc quelque chose de positif qui s’ajoute à la substance matérielle et l’anime. Cette théorie a bien survécu au médecin de Cos. Elle est successivement devenue l’animisme, le naturisme, le système de Van-Helmont, celui de Stahl, et la doctrine encore professée aujourd’hui dans quelques écoles sous le nom de vitalisme. Elle ne distingue pas la vie de l’âme, ce qui fait vivre de ce qui fait penser.

C’est une idée très répandue que les anciens ayant un genre de vie plus simple que le nôtre, leurs remèdes devaient être aussi bien moins compliqués et bien moins nombreux. Tous les hommes, dit-on, vivaient à peu près de même ; leur nourriture était plus saine et moins variée, ils devaient avoir moins de maladies. On les compare aux animaux qui, vivant d’une façon très uniforme, ont des maladies très simples. L’art du vétérinaire est plus facile que l’art du médecin. Lemontey a démontré cependant que les recherches de la toilette étaient bien plus raffinées autrefois qu’aujourd’hui. Un ingénieux et savant écrivain, M. Babinet, prétend que les étoffes étaient alors bien plus magnifiques qu’elles ne le sont maintenant. On pourrait prouver de même que la nourriture des anciens était bien plus composée que la notre, et aussi leurs médicamens. Ils connaissaient comme nous tous les animaux domestiques et tout le gibier que l’on sert sur nos tables, mais ils mangeaient aussi une foule de bêtes dont l’usage a été abandonné, sans que l’on sache trop pourquoi. Outre le bœuf, le mouton, le veau, le poulet, etc., ils accommodaient, les chèvres, les hérissons, les chiens, les chats, les ânes, les chevaux, dont un naturaliste distingué, M. Geoffroy Saint-Hilaire, a dernièrement conseillé l’usage et vanté les qualités nutritives. Ils se servaient de boissons fermentées, de légumes de toute espèce, de sauces variées, de mélanges de vin et de fromage, de miel, etc. Tous ces plats figurent dans les repas décrits par Homère, et une foule de prescriptions de la Collection hippocratique en règlent l’usage. Les anciens avaient même sur le régime des idées assez exactes, et le traité des Affections contient une excellente dissertation sur les qualités nourrissantes des diverses viandes. Il place la viande de chien à côté de celle de poulet, l’âne auprès du bœuf ; la viande de porc lui parait la plus indigeste de toutes, et il ne la recommande qu’aux athlètes et aux hommes qui travaillent de leurs mains.