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un écrivain. Tous cependant sont antérieurs à la fondation de la bibliothèque d’Alexandrie, à cette renaissance comparable à celle que produisit la découverte de l’imprimerie. Jusque-là en effet les livres n’avaient qu’une publicité très restreinte. On ne pouvait avoir de chacun d’eux un grand nombre d’exemplaires, et la matière sur laquelle on écrivait s’opposait à ce qu’ils passassent par beaucoup de mains. Au temps d’Hippocrate même, on n’employait que des tablettes de cire ou des peaux d’animaux. À l’époque où les Ptolémées fondèrent les grandes bibliothèques, le papier se répandit, la publicité devint plus étendue. Les rois d’Égypte annoncèrent que toutes les copies des ouvrages anciens seraient reçues et bien payées par eux. Ainsi Ptolémée Évergète acheta 64,680 francs une copie des tragédies d’Eschyle. On conçoit que chacun apportait ses manuscrits, et ils étaient admis presque sans vérifications. Parmi les ouvrages de médecine envoyés à Alexandrie, se trouvaient des livres provenant de l’école de Cos, qui formaient sans doute la bibliothèque des médecins de cette île. Cette précieuse collection fut bientôt publiée sous le nom du plus célèbre d’entre eux. Il est évident que les livres d’Hippocrate devaient s’y trouver, mais il est probable qu’ils ne s’y trouvaient pas seuls. On sait aussi d’une manière certaine que ce n’est pas là l’œuvre d’un faussaire, et que le tout vient bien de Cos ; l’imperfection même et l’incohérence des traités en sont des preuves excellentes. D’autres indications, tirées de la chronologie médicale et des connaissances anatomiques que l’on avait aux diverses époques de l’histoire, montrent qu’aucun traité n’est antérieur à Hippocrate. La difficulté consiste donc uniquement à décider quels sont les ouvrages qui lui appartiennent en propre, quels sont ceux de ses fils, de son gendre ou des médecins de son école, quels livres enfin doivent être attribués à une école différente et en particulier à la plus célèbre de l’antiquité après celle de Cos, l’école de Cnide.

Le moyen le plus simple de sortir d’embarras, c’est, après avoir consulté quelque peu la chronologie médicale et avoir écarté les Traités dont les doctrines diffèrent des théories de l’école de Cos, de décider que les œuvres remarquables, celles qui décèlent un homme de génie, sont d’Hippocrate, puis d’attribuer les autres à ses enfans ou à ses confrères. C’est au fond ce que tout le monde a fait sans s’en rendre compte, M. Littré et M. Daremberg eux-mêmes, et les élémens de la critique sont si incertains que c’est peut-être là le plus sûr moyen d’arriver à un résultat satisfaisant. Pour juger de l’authenticité d’un livre, on ne peut considérer que deux choses : le style et les opinions. Quant au style, comment le connaître si l’on ignore quelles sont les œuvres d’Hippocrate ? On l’a beaucoup loué et diversement apprécié, ce style : les uns y ont trouvé la brièveté, d’autres