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en Macédoine à soixante-dix talens. Démocrite d’ailleurs était rarement à Abdère, et les lettres citées à l’appui de cette histoire renferment des détails tellement absurdes, que si la vraisemblance du fait ne peut être réfutée en général, du moins on s’aperçoit que les circonstances accessoires sont autant de fables et font douter du fait principal ; C’est là en effet qu’Hippocrate s’aperçut qu’une chèvre était noire, à la seule inspection de son lait ; qu’une femme avait eu deux enfans, etc. Enfin il mourut à Larisse en Thessalie, et à une époque assez moderne on voyait encore son tombeau entre cette ville et Gyrton. Soranus même rapporte qu’un essaim d’abeilles a longtemps fait du miel sur sa tombe et que ce miel guérissait les aphtes. C’était sans doute le même miel qui avait nourri Homère et Pindare, et que les abeilles de l’Hymette répandaient sur les lèvres de Platon.

On le voit, la biographie d’Hippocrate est peu connue. Ce qu’on sait seulement, c’est qu’il voyagea beaucoup, pratiqua longtemps la médecine, et que sa réputation était grande, même de son vivant. Euripide a cité une phrase d’un de ses livres dans une pièce dont on ne connaît que des fragmens. Aristophane parle de lui dans les Nuées, à côté de Socrate. Platon le nomme dans le Protagoras, cite ses leçons et son éloquence, met souvent son nom dans la bouche de Socrate, et n’a pas dédaigné de lui emprunter dans le Phèdre des pensées et des argumens. Les noms des malades cités dans quelques-uns des ouvrages qui sont certainement de lui ont été habilement commentés par un érudit, qui a éclairci bien des questions obscures et rétabli bien des faits : M. Meinecke. Ils prouvent que les familles de la Thessalie les plus riches et les plus illustres l’avaient choisi pour médecin. On venait même d’Athènes l’entendre professer à Cos et combattre activement les théories de son rival Euryphon, chef de l’école de Cnide. Hippocrate était sans doute à la fois un praticien, un professeur et un philosophe. Un dernier point reste à éclaircir. Si l’on entre au Musée des antiques, au Louvre, on trouve au fond de la première salle, sous le numéro 524, le buste d’un philosophe, et au-dessous est écrit le nom d’Hippocrate. Sa tête est chauve, son front large et ridé, ses yeux ronds et enfoncés, son nez détaché du front par une brusque échancrure, et, il faut en convenir, un peu commun, quoique le reste de la tête soit assez beau, et que son expression sévère ne manque dans l’ensemble ni de grandeur ni d’intelligence. On sait aujourd’hui d’une façon positive que tous les bustes antiques sont des portraits. Celui-ci d’ailleurs, malgré ses qualités, n’est pas assez beau pour être une œuvre de pure imagination. Est-il bien certain cependant qu’il représente Hippocrate ? Dans un opuscule sur la physionomie, que l’on