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complètes d’Hippocrate, soit d’un de ses traités en particulier. Plus récemment, Grimm a traduit Hippocrate en allemand ; Sprengel, Ackermann, Spon, Dacier, etc., l’ont commenté et ont exposé, soit sa philosophie, soit ses théories médicales. De notre temps enfin ont paru des travaux qui ont jeté sur Hippocrate et sur la médecine de son époque une lumière plus éclatante. Ce n’est que d’aujourd’hui en effet que date la véritable critique scientifique, et que l’on a commencé à discuter les témoignages des anciens, à ne prendre dans leurs livres que ce que la raison peut avouer. De là est née une science toute moderne que l’on pourrait appeler celle du bon sens dans l’érudition. Les plus récens de ces travaux sont les études sur Hippocrate du docteur Houdart, et surtout les deux ouvrages de M. Littré et de M. Daremberg. Ces deux derniers ont publié deux éditions des œuvres d’Hippocrate : l’un a traduit tous les traités qui nous sont parvenus sous le nom de Collection à hipocratique, l’autre ne s’est occupé que de ceux que l’on peut attribuer avec le plus de certitude au médecin dont ils portent le nom. Ces deux ouvrages, qui se complotent et se corrigent l’un par l’autre, ont été encore rectifiés par des articles dus à une foule de médecins et d’érudits, et surtout par les travaux de deux des critiques les plus accrédités de la nation la plus critique du monde, M. Peterson et M. Meinecke. D’ailleurs nos deux compatriotes ont fait leurs preuves. M. Daremberg a déjà publié, outre une édition des œuvres d’Oribase et de Rufus d’Ephèse, le premier volume d’une traduction de Galien ; il est peut-être aujourd’hui l’homme le plus versé dans l’histoire des sciences naturelles. Les lecteurs de la Revue ont souvent apprécié le grand talent d’exposition de M. Littré, et sont habitués à s’instruire avec lui. Tous deux sont médecins et joignent à une connaissance approfondie de la langue grecque celle de la science moderne et des théories de l’antiquité. Ils savent d’ailleurs, comme l’a dit Galien, que le véritable médecin est philosophe.


I

Des philosophes ont prétendu que les efforts de l’homme tendent toujours naturellement au résultat le plus prochain et le plus pratique. Il songe, dit-on, d’abord à ses besoins, ensuite à ses plaisirs ; ce n’est que plus tard que ses pensées s’élèvent et deviennent moins grossières. Il s’occupe d’agriculture, de médecine, de guerre, de politique pratique, puis de poésie et d’art, avant de songer à la philosophie. Pour moi, il me semble que nous sommes plus désintéressés, et que l’esprit humain est moins utilitaire, comme on dit aujourd’hui. Les hommes ont cultivé les lettres avant les sciences, et l’imagination