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Israël essaya de se glisser parmi d’autres groupes, toujours avec la même persévérance d’effronterie, mais toujours aussi avec le même insuccès. Partout repoussé, il chercha un refuge parmi les matelots de la cale. Plusieurs d’entre eux, plongés dans les noires entrailles du vaisseau, étaient assis autour d’une lanterne, pareils à un groupe de charbonniers dans une forêt de pins, à minuit. — Eh bien ! les amis ! quel est le mot pour rire ? dit Israël en s’avançant, mais toutefois en se tenant autant que possible dans l’ombre.

— Le mot pour rire, c’est que vous feriez mieux d’aller là où vous devriez être, au lieu de vous faufiler là où vous n’avez rien à faire. C’est sans doute ainsi que vous vous êtes esquivé pendant le combat. Sortez d’ici. Sur le pont, vite ! ou j’appelle le capitaine d’armes.

Israël décampa. Chassé de partout, il retourna, découragé, sur le pont. Il se coucha dans un hamac vide, et le lendemain essaya de renouveler ses offres de service aux divers groupes de marins, qui le repoussèrent comme la veille. Enfin un matelot irascible, dont notre aventurier avait en vain essayé de gagner les bonnes grâces, remarquant en lui quelque chose d’étrange, le pressa de s’expliquer formellement et de dire ce qu’il était. Les réponses d’Israël accrurent ses soupçons. Un groupe se forma. Les matelots éloignés, attirés par le bruit de la dispute, s’approchèrent, et tous déclarèrent qu’ils avaient déjà été ennuyés par un vagabond réclamant une place parmi eux. Le capitaine d’armes parut, prit Israël par le collet et le conduisit à l’officier du pont, qui, après avoir examiné l’Américain avec beaucoup d’étonnement, procéda à un interrogatoire en règle. Israël fut sommé de dire son nom et déclara s’appeler Peter Perkins.

— Vraiment, je n’ai jamais entendu ce nom, reprit l’officier. Voyez, je vous prie, si Peter Perkins est inscrit sur le registre, dit-il à un midshipman.

On parcourut le registre, ce nom ne s’y trouvait pas. — Vous n’êtes pas inscrit, monsieur. Il n’y a pas ici de Peter Perkins. Dites-moi tout de suite qui vous êtes.

— Peut-être, monsieur, dit gravement Israël, que m’étant enrôlé dans un moment où j’étais gris, j’aurai donné le nom d’une autre personne au lieu du mien, sans y songer.

— Soit. Sous quel nom êtes-vous connu parmi vos camarades depuis que vous êtes ici ?

— Peter Perkins, monsieur.

L’officier se tourna vers les matelots et leur demanda s’ils connaissaient un camarade de ce nom. Ils répondirent tous négativement.

— Mauvaise défaite, monsieur, mauvaise défaite ! vous voyez. Qui êtes-vous ?

— Un pauvre homme persécuté, à votre service, monsieur.

— Qui vous persécute ?