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agens du pouvoir pontifical près des nations en cours de conversion, travaillaient incessamment l’esprit des chefs, et l’appât d’une couronne manquait rarement son effet. Les choses se passaient ainsi en Pologne dans les dernières années du Xe siècle. Commencée à grands coups d’épée par l’empereur Othon Ier, la conversion des Polonais se poursuivait sous des auspices plus pacifiques. Le duc qui les gouvernait alors, Miesco, autrement dit Miecislas, néophyte plus ambitieux que convaincu, s’agitait en tout sens sinon pour consolider l’œuvre chrétienne, du moins pour faire croire au pape qu’il l’avait consolidée, et déjà il réclamait ce titre royal qui était l’aiguillon et la récompense des grands succès.

Ce fut vers cette époque et dans des circonstances à peu près pareilles que la foi chrétienne s’introduisit en Hongrie à la suite d’un traité de paix. Les Hongrois avaient lassé la patience de leurs voisins, soit en leur faisant directement la guerre, soit en entrant comme auxiliaires dans toutes les révoltes qui les déchiraient. Enfin en 955 les Germains se concertèrent pour exterminer cette nation turbulente. Tandis qu’elle assiégeait la ville d’Augsbourg avec une armée qui renfermait toute sa jeunesse, l’empereur Othon Ier, accompagné de forces supérieures, cerna les assiégeans, les culbuta soit contre la ville, soit contre la rivière du Lech, qui la traverse, et, refusant de les recevoir à composition, ne leur laissa que le choix de leur mort. Leurs deux chefs, Léel et Bulchu, furent pendus au gibet de Ratisbonne, ainsi que je l’ai raconté plus haut. Cette terrible défaite abattit l’audace des Magyars, qui demandèrent la paix en supplians ; mais l’empereur Othon, après de longs refus, ne l’accorda qu’à la condition qu’ils se feraient chrétiens, ou du moins qu’ils ouvriraient leur territoire au christianisme. Les féroces Magyars reçurent donc des missionnaires, laissèrent construire chez eux des églises, eurent des prêtres et des évêques, mais ne se firent point chrétiens. Leurs prédicateurs périrent presque tous de mort violente, et le duc Toxun, sous le gouvernement duquel avait été conclu le traité, mourut dans l’impénitence païenne. Sous Geiza, son fils et son successeur, le christianisme fit un assez grand pas. Ce duc hongrois, qui parait avoir eu plusieurs femmes, en aimait une passionnément, et celle-ci, d’un caractère viril et décidé, qui montait à cheval, buvait et se battait comme un homme, avait pris sur lui un ascendant presque absolu. Elle était fille de Gyla, duc de Transylvanie, se nommait Sarolt, et avait reçu des Slaves, à cause de sa grande beauté, le surnom de Beleghnegini[1], c’est-à-dire la belle maîtresse. Un beau jour elle se

  1. « Uxor Beleghnegini, id est, pulchra domina, sclavonicè dicta, suprà modum bibebat et in equo, more militis, iter agens… > ; Dilmar.,l. VIII.