plus furieux, et il serait curieux d’en retracer l’histoire, si elle se rapportait plus directement à l’histoire d’Israël Potter.
Après cette victoire, Paul et Israël, tous deux désireux de revoir l’Amérique, partirent sur le vaisseau de guerre l’Ariel, Paul comme commandant et Israël comme quartier-maître. Deux semaines s’étaient passées, quand ils rencontrèrent de nuit une frégate qu’ils pouvaient supposer ennemie. Les deux navires s’approchèrent l’un de l’autre. Tous deux portaient les couleurs anglaises : Paul Jones les avait adoptées pour mieux tromper l’ennemi. Pendant une heure, les capitaines des deux navires conversèrent à travers leur porte-voix. Ce fut une conversation réservée, adroite, évasive, diplomatique. Enfin Paul, exprimant quelque incrédulité relativement aux assertions de l’étranger, manifesta le désir que le commandant envoyât un bateau à bord et exhibât ses pouvoirs. L’étranger soutint que son bateau faisait eau de toutes parts. Paul, toujours poli, le supplia de considérer le danger auquel il s’exposait par un refus, et son interlocuteur lui objecta qu’il pouvait répondre par la bouche de vingt canons, et que lui et les gens de son équipage étaient de solides Anglais. Paul lui accorda cinq minutes pour se décider, et, ce délai passé, il fit hisser les couleurs américaines et courut sus au navire étranger. Il était huit heures du soir lorsque cette étrange querelle s’engagea au milieu de l’Océan.
Au bout de dix minutes de canonnade, le vaisseau étranger cria d’arrêter, qu’il se rendait, et que la moitié de ses hommes était tuée. L’Ariel poussa un hourra ! et son équipage s’apprêta à prendre possession du vaisseau, qui en ce moment, changeant de position, se trouva tout près de l’Ariel. Israël, qui était là, sauta sur l’espars, pensant qu’il serait immédiatement suivi par ses compagnons ; mais tout à coup les voiles du navire s’enflèrent, et Israël fut séparé de l’Ariel par un espace impossible à franchir. Le compagnon de Paul Jones monta alors sur le pont afin de ne donner aucun soupçon, et se vit au milieu de deux cents marins composant l’équipage d’un vaisseau corsaire. Le vaisseau fuyait à toutes voiles ; les ordres retentissaient de toutes parts, et Israël, craignant d’être découvert, se montrait aussi empressé à les exécuter que les autres. Il réfléchit ensuite à ce qu’il devait faire. Pendant cette nuit, grâce à la ressemblance de ses vêtemens, il pouvait échapper ; mais le lendemain il serait inévitablement découvert. Il remarqua cependant que les matelots n’avaient point d’uniforme, n’appartenant pas à la marine régulière, et que sa jaquette était le seul de ses vêtemens qui pût le dénoncer : il la dépouilla et la jeta à la mer. Cela fait, il s’en alla tranquillement vers la grande hune, et, s’asseyant à côté d’un groupe de huit ou dix matelots, demanda à l’un d’eux une pincée de tabac.