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les chapitres académiques de la Hongrie au XIe siècle, mérite d’être rapporté ici presque dans son entier.


« P…, ayant le titre de maître, et autrefois notaire du très glorieux Béla de bonne mémoire, roi de Hongrie, à N…, son très cher ami, homme vénérable et profond dans la connaissance des lettres, salut et obéissance à sa demande.

« A l’époque où nous siégions côte à côte sur les flancs de l’école, tu lus avec un intérêt fraternel un volume dans lequel j’avais compilé soigneusement l’histoire de Troie, d’après les livres de Darès le Phrygien et des autres auteurs, ainsi que me l’avaient enseignée mes maîtres ; puis tu me demandas pourquoi je n’écrivais pas plutôt la généalogie des rois et nobles de la Hongrie, compilant notre histoire comme j’avais fait celle des Grecs et du siège de Troie. Tu m’ordonnas alors de raconter comment les sept capitaines que nous appelons Hêtu-Moyer (les sept Magyars) arrivèrent de la terre scythique, quelle était cette terre, comment le duc Almus y fut engendré dans un songe, et comment il fut élu premier duc de Hongrie ; comment nos rois tirent de lui leur origine, et combien de peuples et de royaumes nos pères les Moger ont réduits sous le joug… Je te promis de le faire, mais, d’autres soins m’entraînant, j’avais presque oublié ma promesse, quand ton amitié est venue me rappeler ma dette… J’ai voulu écrire en toute simplicité et vérité, léchant de suivre les traditions des divers historiographes, et m’assistant de la grâce divine, afin que les actions de nos pères ne périssent point dans l’oubli des générations futures. C’est à mon avis une chose inconvenante et houleuse que la noble nation hongroise n’apprenne qu’en rêve, pour ainsi dire, par les contes grossiers des paysans ou par les chansons des bavards jongleurs, quels ont été les commencemens de sa génération, et quelles grandes choses elle a accomplies dans le monde[1].

« Heureuse donc la Hongrie, à qui tant de présens divers ont été octroyés ! Qu’à toutes les heures de son existence, elle se réjouisse du don que lui fait son lettré en lui enseignant l’origine de ses rois et de ses nobles[2] ! Qu’honneur et louange soient rendus au roi éternel et à sainte Marie sa mère, par la grâce de qui trouvent les rois et nobles de Hongrie règne et heureuse fin ici et à toujours ! Amen. »


On le voit par son propre témoignage, ce que l’auteur a voulu faire en compilant cette chronique, c’est remplacer les chansons nationales,

  1. « Si tam nobilissima gens Hungariae primordia suae generationis et fortia quaeque facta sua ex falsis fabulis rusticorum, vel a garrulo cantu joculatorom, quasi somniando audiret, valde indecorum et satis indicens esset : ergo potius, a modo de certa scripturarum explanatione et aperta historiarom interprelatione, rerum veritatem nobitiler percipiat. »
  2. Felix igitur Hungaria, cui sunt dona data varia, omnibus enim horis, gaudeat de munere sui litteratoris quia exordium genalogiae regum suorum et nobilium habet. De quibus regibus sit laus et honor regi aeterno et sanctao Mariae matri ejus, per gratiam cujus reges Hungraiae et nobiles regnum habetant felici fine, hic et in aeternum. Amen. »