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vous avoir offert mon lit à Paris il y a quelques mois. Comment va le vous bonhomme Richard ?

— Tiens, vous êtes le courrier yankee ? Comment vous trouvez-vous maintenant dans un cutter anglais ?

— Saisi par la presse, capitaine ; voilà l’histoire.

À partir de ce jour, Israël fut un des auxiliaires dévoués du capitaine Paul. Ensemble ils naviguèrent sur toutes les eaux anglaises, ensemble ils touchèrent à tous les ports de l’Ecosse et de l’Irlande, ravageant, incendiant, surprenant et capturant les vaisseaux de l’ennemi. Ce fut Israël qui, au milieu de la nuit, descendit à terre chercher l’étincelle avec laquelle furent incendiés les vaisseaux réunis dans le port de Whitehaven. De toutes leurs expéditions cependant, la plus singulière fut celle qu’ils firent sur les domaines du comte de Selkirk, conseiller privé et ami particulier de George III. Le plan de Paul Jones était d’enlever le comte et de le remettre comme otage entre les mains des Américains. Paul Jones était très navré d’être obligé de se contenter d’un grand seigneur ; il aurait préféré, ainsi qu’il l’avoua à Israël, enlever le roi lui-même. George III servant d’otage à la liberté américaine, cela eût été plus piquant et en même temps plus décisif.

Le Ranger, vaisseau de Paul Jones, aborda donc sur la côte d’Ecosse à l’île de Sainte-Marie, un des domaines du comte de Selkirk. Paul débarqua avec Israël et deux de ses officiers, et s’avança vers la maison du comte. Le silence et la solitude qui régnaient dans les environs lui semblèrent d’un mauvais augure. Il laissa ses hommes à quelque distance, et, accompagné d’Israël, frappa à la porte du château. Un vieux domestique à chevelure grisonnante se présenta.

— Le comte est-il chez lui ?

— Non, monsieur, il est à Edimbourg.

— Ah ! et la comtesse ?

— Elle est ici, monsieur. Qui annoncerai-je ?

— Un gentilhomme qui désire lui présenter ses respects. Voici ma carte.

Israël attendit dans la salle, tandis que le domestique conduisait Paul dans un appartement voisin. La comtesse parut bientôt devant le capitaine. — Charmante dame, dit le galant Paul Jones, je vous souhaite le bonjour.

— A qui ai-je l’honneur de parler, monsieur ? dit la dame d’un ton sévère et en reculant effarouchée par la brusque galanterie de l’étranger.

— Madame, je vous ai envoyé ma carte…

— Qui me laisse dans une complète ignorance, dit froidement la comtesse.

— Un courrier envoyé à Whitehaven pourrait vous donner des