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sociable, et Israël fut charmé de rencontrer un ami dans sa détresse ; il jeta cependant un coup d’œil de défiance sur l’étranger, mais ce dernier l’entraîna avec une douce violence dans l’auberge, où quelques minutes après ils étaient attablés, échangeant, le verre en main, des souhaits de santé et de prospérité.

— Un second verre, dit l’étranger d’un ton jovial.

Israël, pour oublier ses ennuis, céda ; le vin commençait à produire son effet.

— Êtes-vous jamais allé sur mer ? reprit le nouveau compagnon d’Israël d’un ton dégagé.

— Oh ! oui, à la pêche de la baleine.

— Ah ! dit l’autre, je suis charmé de le savoir, je vous assure. Jim ! Bill ! — Deux robustes gaillards s’avancèrent, et en un instant Israël se trouva enlevé pour le service naval de sa majesté le magnanime gentleman de Kew-Gardens, George III.

— Au secours ! cria Israël lorsque les deux hommes mirent la main sur lui.

— bonne plaisanterie, et faite dans les règles, n’est-ce pas ? dit l’affable étranger. Le gaillard m’aura valu trois guinées. Bon voyage, mon ami ! — Puis, laissant Israël prisonnier, le drôle boutonna son habit et sortit de l’auberge.

— Je ne suis pas Anglais, rugit Israël, l’écume à la bouche.

— Ah ! c’est là la vieille histoire, répondirent ses gardiens, venez. Il n’y a pas d’Anglais sur la flotte anglaise, tous étrangers.

Moins d’une semaine après, Israël était à Portsmouth, et faisait partie de l’équipage du navire Unprincipled, qui, avec deux autres vaisseaux, devait aller dans les Indes renforcer la flotte anglaise.


IV

Tout près des îles Sorlingues, le navire aperçut à distance un cutter de la douane qui faisait des signes de détresse. Aucun autre vaisseau n’était en vue pour le moment ; l’officier du pont, furieux d’être obligé de s’arrêter par un aussi bon vent, héla le cutter pour savoir de quoi il s’agissait. On lui répondit que, par suite d’un coup de vent violent, le cutter avait perdu ses quatre meilleurs matelots, et qu’il avait besoin d’aides pour rentrer au port.

— Je vous donnerai un homme, dit l’officier d’un ton rechigné.

— Qu’il soit bon alors, dit l’interlocuteur du cutter, au nom de Dieu ! J’en aurais eu besoin de deux.

On donna l’ordre d’amener un bateau. Israël se tint prêt à descendre le premier, quoique les matelots, tous très disposés à profiter de l’occasion pour échapper au service maritime, se pressassent dans