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la famille ? « Elle est, dit Fénelon, chargée de l’éducation de ses enfans, des garçons jusqu’à un certain âge, des filles jusqu’à ce qu’elles se marient ou se fassent religieuses, de la conduite des domestiques, de leurs mœurs, de leur service, du détail de la dépense, des moyens de faire tout avec économie et honorablement La plupart des femmes négligent l’économie comme un emploi bas qui ne convient qu’à des paysans ou à des fermiers, tout au plus à un maître d’hôtel ou à quelque femme de charge ; surtout les femmes nourries dans la mollesse, l’abondance et l’oisiveté, sont indolentes et dédaigneuses pour tout ce détail : elles ne font pas grande différence entre la vie champêtre et celle des sauvages du Canada. Si vous leur parlez de vente de blé, de culture de terres, des différentes natures de revenus, elles croient que vous les voulez réduire à des occupations indignes d’elles. » Qu’on ne pense pas que ce soit seulement par le goût qu’il a des anciens que Fénelon parle ainsi. Les pères de l’église prêchent la science du ménage comme faisait Xénophon. Ils ne veulent pas mettre la femme dans le cloître, ils ouvrent même volontiers la porte du gynécée ; mais ils retiennent la femme dans l’enceinte de ses devoirs domestiques, et ils se gardent bien de la livrer au monde. Les pères de l’église, et saint Clément en particulier dans son Pédagogue, se plaisent à répéter contre la femme du monde les railleries et les malédictions de la comédie grecque. « Le soin de leur famille et de leur domestique n’embarrasse guère ces sortes de femmes, dit le Pédagogue ; elles ne sont attentives qu’à vicier la bourse de leurs époux pour satisfaire à leurs folles dépenses. »

Pourquoi transcrire ici toutes ces citations ? Est-ce pour prouver la conformité de la sagesse antique et de la sagesse chrétienne sur l’attachement que la femme doit avoir aux soins de la famille et du ménage ? Est-ce par hasard que je trouve que toutes ces maximes d’économie et d’activité domestique seraient fort de mise dans la société de nos jours, si la société de nos jours voulait y donner quelque attention ? Est ce que j’ai la prétention de remettre en honneur la vieille et simple règle de Fénelon, qui veut que les femmes soient élevées d’une manière conforme à leur vocation dans le monde ? À Dieu ne plaise ! Je suis trop de mon temps pour ignorer que je prêche des convertis, la pire espèce de pécheurs. Notre société ne conteste pas l’excellence des vieilles maximes, seulement elle ne les suit pas, non par présomption ou parce qu’elle préfère des maximes contraires, mais par mollesse et par insouciance. Il y a encore de bonnes mères de famille et de bonnes ménagères ; qui en doute ? Mais celles-là mêmes élèvent soigneusement leurs filles à faire tout ce qu’elles ne feront plus une fois qu’elles seront