Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/417

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’auditoire et de là réagissait sur le professeur. À la Sorbonne, où les auditeurs, moins rompus aux mathématiques, ont besoin de plus d’abondance dans les détails et demandent à être attirés par un certain appareil d’expériences curieuses, il effrayait par la profondeur de ses développemens et n’attirait pas la foule ; mais le petit nombre d’élèves qui lui restaient fidèles lui suffisait ; il aimait mieux instruire quelques hommes sérieux qu’amuser beaucoup de gens désœuvrés. À près ses leçons, il ne croyait pas avoir suffisamment rempli son devoir ; il recevait ses auditeurs dans son cabinet, provoquait leurs objections, les écoutait sérieusement, qu’elles fussent sensées ou non, et les résolvait toutes avec une patience parfaite et une bonté toute paternelle. Cette bonté qui se lisait dans tous ses traits était, avec la justice, la plus grande richesse de son âme ; il soulageait toutes les douleurs qu’il connaissait et protégeait tous ceux qui le méritaient ; ses élèves l’adoraient, et chacun le vénérait. « Il fallait que Dulong fut bien recommandable, a dit de lui un de ses collègues, puisque dans une carrière scientifique de trente ans, il n’a jamais été le sujet d’aucun écrit, d’aucune phrase susceptible de lui faire quelque peine. »

En 1830, au moment de la réorganisation de l’École polytechnique, Dulong y fut nommé directeur des études. Rien de ce qu’un homme peut ambitionner ne lui manquait alors. Heureux dans sa famille qu’il ne quittait pas, à la tête d’une école où il avait été élevé aux sciences, membre de toutes les académies de l’Europe, secrétaire perpétuel de l’Institut, aimé de tous ses collègues, vénéré de tous ses élèves, toujours modeste, n’ayant fait que le bien, il jouit pendant quelques années de ce bonheur qu’il avait acquis par son travail et par son caractère. Il remplit tant qu’il le put ses nombreux devoirs, et quand sa santé commença à s’affaiblir, il résigna les fonctions qui l’honoraient davantage pour garder celles où il était le plus utile. Il mourut sans avoir connu le repos lu 18 juillet 1838 ; il avait cinquante-trois ans.


Depuis cette époque, la science qu’avaient cultivée Dulong et Petit a poursuivi son développement. Plus habile encore qu’ils ne l’avaient été eux-mêmes, éclairé d’ailleurs par leurs travaux, averti par leurs fautes, M. Regnault a soumis toutes leurs expériences à une révision sévère, et les a contrôlées comme ils avaient fait jadis au sujet de leurs devanciers. Grâce à ces nouveaux progrès, nous sommes préparé à juger sans engouement, mais sans injustice, la valeur des recherches dont nous avons résumé les points principaux. Si pour un moment nous oublions les résultats obtenus, et que nous comparions la manière de procéder de Dulong et Petit à celle des physiciens