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jets assez nombreux pour vider la chaudière en peu de temps. Ils entendaient la vapeur s’échapper avec des sifflemens qui témoignaient de sa puissance, leurs observations elles-mêmes, en mesurant le progrès de la pression, leur rappelaient celui des dangers qu’ils couraient. Ils étaient seuls, et chacun d’eux, sous l’impression de préoccupations solennelles, continuait et notait ses observations en silence. « De telles expériences, dit Dulong, exigent un dévouement que l’Académie n’aurait peut-être pas le droit de demander à chacun de ses membres. »

Toutes les observations recueillies et coordonnées furent résumées ensuite dans un tableau unique où. L’on a mis en regard de leur température les forces expansives de la vapeur. Ce fut pour les constructeurs de machines un guide sur et une des bases des règlemens auxquels on soumet ces appareils dans l’intérêt de la sécurité publique ; ce fut pour la science une acquisition précieuse.

Nous venons de rappeler tous les titres scientifiques de Dulong et de Petit. Avant d’arriver à une conclusion sur l’ensemble de leurs travaux, nous croyons utile de compléter pour Dulong, comme nous l’avons fait pour Petit, l’appréciation par la biographie. Ce que nous raconterons des événemens et de la vie de Dulong montrera combien il était digne d’estime, et comment la bonté de son cœur, la droiture de son âme, aussi bien que l’élévation de son esprit, l’ont rendu digne des hautes positions qu’il a occupées.

Pierre-Louis Dulong naquit à Rouen, rue aux Ours, le 18 février 1785 ; mais il n’y fut point élevé. Resté orphelin dès l’âge de quatre ans, il fut recueilli par sa tante et marraine, Mme Faurax, qui l’emmena à Auxerre, où elle prit soin de son éducation avec toute la tendresse d’une mère. Si l’on avait voulu chercher dans les premiers instincts de l’enfant une révélation des aptitudes futures de l’homme, on se serait étrangement trompé. Une jolie voix et une disposition musicale très développée avaient fait de Dulong un enfant de chœur accompli, qui avait à la cathédrale des succès de vogue. Il promettait un musicien ; mais son indifférence pour l’étude, qui désolait sa tante et lui attirait des reproches, ne semblait pas le destiner à devenir un savant. Le développement de son intelligence ne fut ni prématuré ni tardif ; il fut régulier, et ne s’arrêta pas. À seize ans, les études mathématiques l’avaient séduit ; il fut admis à l’École polytechnique. On le classa dans l’artillerie au moment où il en sortit. À cette époque, une maladie qui mit ses jours en danger et affaiblit encore une constitution qui n’était pas robuste le sauva d’une carrière qui ne lui promettait pas d’avenir, car il n’y était pas propre. Libre de tous ses engagemens envers l’état et de toutes ces influences de famille qui dirigent quelquefois, mais qui imposent souvent le choix d’un état social, ayant assez de ressources pour satisfaire