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premier. Le troisième jour, les fleurs qui ornaient la cellule étaient déjà fanées. D’énormes gouttes d’eau tombèrent à travers les bouches des griffons. Un orage épouvantable éclata. Israël put occuper son temps à écouter les clapotemens de la pluie et les grondemens du tonnerre. « Nous voilà au troisième jour, pensa-t-il ; il a dit qu’il viendrait me chercher dans trois jours au plus tard. Patientons encore. » La journée passa, toujours pas de squire.

Israël entra alors dans un état de frayeur extraordinaire. Le sentiment de son emprisonnement s’empara de plus en plus de son esprit, et pesa sur lui comme un mur de pierre, ou comme une des visions du cauchemar. Il erra convulsivement à travers sa cellule. De vieilles histoires d’hommes enterrés vivans se présentèrent à sa mémoire. Cette cellule avait jadis appartenu à un couvent de templiers, sur l’emplacement duquel la maison du squire avait été bâtie. Là autrefois des cœurs humains aussi forts que le sien avaient succombé sous le désespoir. La nuit se passa ainsi en imprécations muettes et en terreurs ; enfin le matin arriva. Cette fois le squire ne pouvait manquer de venir le délivrer. Cependant Israël se mit à réfléchir. Peut-être était-il arrivé quelque malheur. Le squire avait peut-être été arrêté, arrêté sans avoir eu le temps d’informer un de ses amis qu’un homme était caché dans sa maison. Si cela était, Israël devait chercher par tous les moyens à sortir de sa prison. Il s’avança donc à tâtons, et chercha le ressort qui devait ouvrir la porte mystérieuse. Il avait déjà cherché longtemps et allait se laisser aller au désespoir, lorsqu’il entendit un léger craquement et vit un rayon de lumière. Son pied avait touché par hasard le ressort cherché ; il poussa la porte et se trouva dans le cabinet du squire.

L’appartement avait un aspect funèbre. Les rideaux étaient couverts de crêpe ; partout des nœuds de crêpe et des tentures noires. Israël soupçonna aussitôt la vérité. Évidemment le squire était mort, mort subitement selon toute probabilité, et sans avoir eu le temps d’annoncer qu’un étranger était muré dans sa maison. Tout le monde ignorait sa présence sous le toit du squire. S’il était surpris, quelle raison donner ? Dirait-il la vérité ? Il s’avouait coupable alors d’actes qui le faisaient tomber sous le coup des lois anglaises, et il compromettait la mémoire du bon squire Woodcock. Pendant qu’il était plongé dans ces réflexions, il entendit un pas qui s’approchait. Il poussa immédiatement la porte secrète et chercha un refuge dans sa cellule. Grâce à sa précipitation, la porte se referma avec un bruit sourd et singulier ; lui-même tomba et fit rendre à la muraille un retentissement mystérieux qui effraya si fort la personne qui était entrée inopinément dans la chambre, qu’elle poussa un cri. D’autres voix vinrent bientôt se mêler à la première et apprirent à Israël que le bruit causé par sa chute provoquait mille conjectures. Une