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par l’aptitude extraordinaire qu’il montrait à comprendre les plus délicates questions des mathématiques. À l’âge de dix ans, il avait, à l’école centrale de Besançon, complété les études exigées pour l’admission à l’École polytechnique. Cette extrême précocité et l’abus qu’on en lit dans son éducation l’obligeant à attendre, il vint compléter et fortifier à Paris, dans une école préparatoire, les études qu’il avait déjà faites, et il s’y montra tellement supérieur aux camarades qu’il y trouva, qu’on lui confia les fonctions de répétiteur. Il put, grâce à ces circonstances, acquérir avant l’âge une sorte de maturité d’esprit. La nature l’avait doué d’une élocution facile, et l’usage qu’il en fit dans ce premier essai du professorat lui donna, quand il subit ses examens, une supériorité décidée sur ses compétiteurs. Il la conserva pendant les deux années qu’il passa à l’École polytechnique et sans s’y donner plus de peine qu’il n’en fallait, il en sortit comme élève hors ligne et y resta comme répétiteur. À vingt-trois ans, il y devint professeur et garda ces fonctions, qu’il remplit avec, une grande distinction, jusqu’à sa mort. Avec la supériorité de son esprit, Petit n’eut jamais aucun rival, et par l’amabilité de son caractère, il évita de se faire des ennemis ; aussi ne connut-il jamais l’envie, ni pour l’avoir sentie, ni pour l’avoir inspirée. Son existence ne fut d’abord troublée par aucune déception, elle fut au contraire embellie par les charmes d’une union douce et désirée, qui le rendit beau-frère d’Arago, auquel il était déjà lié par l’amitié. Ainsi introduit dans une famille qui occupait par ses divers membres une haute situation scientifique, voyant déjà le moment où les promesses du passé allaient se réaliser dans l’avenir, Petit ne pouvait concevoir que des espérances séduisantes ; elles furent tristement déçues, sa femme mourut en lui laissant le germe de la maladie qui devait l’emporter à son tour. Ce coup l’ébranla profondément, et lui laissa comme une lassitude de corps et d’esprit contre laquelle il n’essaya pas de lutter. L’exemple de Dulong, dont l’activité ne se démentait jamais, ses continuelles excitations, et quelquefois ses reproches, parvenaient rarement à le réveiller ; il paraissait avoir épuisé dans des efforts prématurés ce que la nature lui avait donné de force dans l’esprit. Il s’éteignit connue épuisé sans avoir accompli toutes les espérances qu’il avait fait naître et emportant des regrets universels, dont les plus touchans furent ceux de ses élèves : ils lui élevèrent, au cimetière de l’Est, un petit monument où on lisait : A Petit les élèves de l’École polytechnique !


II

La mort de Petit fut pour Dulong un événement cruel ; elle lui enlevait un ami qui avait partagé ses espérances et qu’il était habitué