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En voyant ces actions énergiques, il nous est facile de prévoir que des modifications importantes ont dû se produire dans l’état des deux gaz qui avaient été mêlés, et si, pour nous en assurer, nous ouvrons le vase, nous n’y trouvons ni oxygène ni hydrogène, ils ont disparu, et à leur place nous trouvons de l’eau, qui précédemment n’y existait pas. Nous pensons naturellement que les deux gaz se sont intimement réunis pour ne former plus qu’une même substance qui les résume, et nous en sommes pour ainsi dire certains en remarquant que le poids de l’eau formée est égal à celui des gaz employés, et surtout en observant que l’eau, sous l’action de la pile de Volta, se résout elle-même en oxygène et en hydrogène. Cette convulsion est une combustion, cette association intime des deux élémens se nomme une combinaison.

Il est essentiel de noter, pour en tirer bientôt des conclusions, toutes les circonstances du phénomène que nous venons de décrire : l’oxygène et l’hydrogène étaient tous les deux à l’état de gaz, le produit qui les résume est liquide ; l’hydrogène brûlait, l’eau ne se consume point ; l’oxygène enflammait les combustibles, l’eau les éteint, et pour tout dire en un mot, aucune des propriétés physiques ou chimiques reconnues dans les deux gaz avant leur transformation ne se retrouve dans le liquide dont ils sont les élémens : l’eau a son existence à part, ses propriétés distinctes, ses réactions spéciales, et rien n’y rappelle son origine. Ce que nous venons de dire pour un exemple particulier se répète dans tous les cas possibles.

Mais on a fait une remarque plus précieuse que les précédentes. Quand le vase contient 100 grammes d’oxygène et 12 d’hydrogène, les deux gaz se combinent en totalité : il n’en est plus de même si nous enfermons plus de 100 parties d’oxygène ou plus de 12 d’hydrogène : l’excès de l’un ou de l’autre des deux corps demeure sans emploi, persiste après la combustion et se retrouve dans les vases avec ses propriétés primitives. Il convient donc non-seulement d’exprimer que les deux gaz se combinent, mais il faut ajouter qu’ils se combinent dans des proportions constantes, parfaitement définies et absolument invariables. Il ne suffit pas de dire que l’eau est un composé d’oxygène et d’hydrogène, il est nécessaire d’exprimer qu’elle est formée par la réunion de 100 parties pondérales du premier contre 12 parties de l’autre. Cette loi, l’une des plus générales que l’on connaisse, l’une des plus précieuses, car elle est la base incontestée de la chimie moderne, s’exprimera en disant que les corps se combinent dans des rapports invariables pour former des composés dont les propriétés sont définies. L’analyse chimique mesure ces rapports dans tous les cas particuliers qui s’offrent aux expérimentateurs.

Quand nous voulons expliquer par quel mécanisme les combinaisons chimiques prennent naissance, notre pensée se porte nécessairement