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il a, il aima, il fu, il done, etc. Comment se serait fait ce changement contre l’étymologie, s’il n’avait pas dû représenter la prononciation ? — et si le t, qui était donné et par l’étymologie et par l’orthographe antécédente, s’était fait entendre devant les voyelles, comment aurait-il disparu de l’écriture ? Ce que nous écrivons aime-t-il, donne-t-il, s’écrivait dans le XVIe siècle aime il, donne il, et pourtant se prononçait, comme nous faisons aujourd’hui, aime-t-il, donne-t-il : les grammairiens du temps nous informent expressément que la prononciation fait là entendre un t que l’écriture ne figure pas, mais l’on se tromperait tout à fait si l’on arguait de là que ces mêmes formes, done il, aime il, qui sont aussi dans les auteurs du XIIIe siècle, se prononçaient à cette époque avec un t. La mesure des vers ne laisse pas de doute sur ce point : done il, aime il, sonnaient comme ils étaient écrits et ne comptaient que pour deux syllabes. Cette modification apportée à l’orthographe étymologique, et qui consista à supprimer plusieurs consonnes finales, me paraît montrer qu’alors ces consonnes étaient devenues complètement muettes, et que l’oreille cherchait plutôt qu’elle n’évitait la rencontre des voyelles.

Étudier la prononciation d’une langue dans le passé est un travail toujours délicat et comportant des incertitudes très étendues. Il faut constamment se demander de quel temps il s’agit et de quelle province, car la prononciation varie ou est sujette à varier suivant les provinces et suivant les temps. Nous avons, pour nous éclairer, différens élémens : — le mot latin d’où le mot français émane, les manières dont on l’a écrit, la prononciation actuelle tant dans le français que dans les patois, enfin les vers qui nous enseignent le nombre des syllabes de chaque mot, et qui distinguent, parmi les finales en e, celles qui sont accentuées et celles qui sont muettes. — Les vers donnent des renseignemens positifs ; les autres élémens sont beaucoup moins sûrs et exigent, pour être utilisés, autant de réserve que de sagacité. Malgré ces difficultés, on est arrivé à des déterminations fort heureuses, et à M. Génin revient l’honneur d’avoir ouvert la voie, corrigé mainte erreur et établi mainte vérité.

Dans le Patelin, il reste à peine quelque trace des cas qui appartenaient à l’ancienne langue. La déclinaison s’éteignit en effet dans le XVe siècle. J’ai noté homs, qui est homme au sujet : l’ancien français déclinait : li homus, le homme, et Patelin dit :

Comment l’a il voulu prester,
Luy qui est ung homs si rebelle ?


Nos noms en eur, tels que donneur, trompeur, etc., avaient dans l’ancien français un sujet doneres, tromperes, et un régime doncor, trompeur. On lit dans le Patelin :