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querelle autour du tapis vert tout aussi bien que l’infortuné rationaliste qui a le mauvais goût de lui rompre en visière dans la discussion. Quelle ardeur inquiète, quelle fiévreuse angoisse, quelle incapacité d’apaisement une semblable nature doit apporter dans ses rapports avec les femmes, on le comprend de reste. Olympie et Celinde, la vertu naïve et froide et la vierge folle qui rachète par le martyre de l’amour les impuretés du passé, se le disputent alternativement jusqu’à ce qu’il cède enfin à un insurmontable besoin de conversion et de retour sur lui-même.

J’ai dit qu’Arnim avait emprunté aux trois volumes du répertoire anglais de 1680 divers motifs déjà traités et variés par Gryphius ; mais c’est principalement dans ces petites pièces, dans les Possen, que le cas se présente. Ici j’ajoute un mot sur le genre que les romantiques appelaient populaire ; populaire, entendons-nous, beaucoup plus par la tendance des poètes que par l’initiative d’en bas, et qui, tout en adoptant les mœurs des scènes inférieures, tout en parlant la langue traditionnelle du clown, du Pickelhaering ou du Pierrot, s’efforçait de conserver en soi quelque littérature. On a beaucoup discouru chez nous sur la pantomime et les funambules, de spirituels excentriques ont même cru entrevoir des mondes de sublimité

Dans ce sac ridicule où Pierrot s’enveloppe.

Ce qu’il y a de certain, c’est que de tout temps les poètes se sont préoccupés de cette forme de l’art. Ne rions pas trop, c’en est une, et il y a certes là quelque chose à faire. Plusieurs en ont eu l’instinct, plusieurs ont tenté, mais sans trop réussir que je sache, et leurs essais isolés en ce genre, qui devaient exclusivement s’adresser au peuple, ont fini par devenir le partage de quelques rares lettrés. Quant à Léandre, Colombine, Cassandre et Pierrot, ils ont continué, la routine aidant, à s’appliquer, après comme avant, de gros baisers sur la joue et d’énormes coups de pied dans l’échine, et le mieux tant rêvé par les esprits d’élite, les conditions nouvelles que la critique et l’esthétique ne cessaient pas de proclamer indispensables, tout cela finalement n’a servi qu’à procurer des habits neufs à la troupe. Lorsqu’on a eu taillé une souquenille au vieux Cassandre, une jupe de satin plus courte à Colombine, il s’est trouvé qu’on avait fait pour l’art à peu près tout ce qu’il y avait à faire. Et cependant, comme on aimerait à voir se produire sur une de ces scènes prétendues populaires certains échantillons du petit répertoire d’Arnim, de ce théâtre de marionnettes et d’ombres chinoises dont on sent qu’une main de poète fait mouvoir les ressorts ! J’indiquerai, pour citer un exemple, l’aimable boutade intitulée la Pierre philosophale,