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qui portait son nom. Ces indications conduisent précisément vers la rue des Lautari, où elle a été trouvée. Quel souvenir, quelle scène ! César frappé en présence de cette statue, et cette statue est celle de Pompée !

Mais l’est-elle bien véritablement ? Cruel scepticisme qui vient souvent vous glacer à Rome en présence des reliques parfois apocryphes de l’antiquité. Non, celle-ci parait de bon aloi. Après beaucoup d’objections et de discussions, la foi archéologique a triomphé. Une circonstance surtout avait soulevé des doutes ; la tête et les épaules n’ont pas l’air d’aller ensemble, mais c’est que la malheureuse destinée de Pompée s’est attachée à sa statue et l’a poursuivie à travers les siècles, comme elle avait poursuivi Pompée à travers le monde. La tête a été séparée du corps et assez mal rajustée. Ainsi Pompée devait être de nouveau décapité après sa mort. Il courut encore un autre danger. L’effigie de l’illustre Romain s’étant trouvée sous un mur mitoyen, les deux propriétaires limitrophes s’en disputèrent la possession. Un Salomon barbare proposa, dit-on, de partager entre les contendans l’objet en litige, et de donner à chacun une moitié du grand Pompée. Les aventures de la statue ne s’arrêtent pas là. Pendant la première occupation de Rome, les tragédiens français, qui avaient imaginé de jouer dans le Colysée la Mort de César, eurent l’idée de transporter sur la scène la célèbre statue de Pompée, pour que César mourût une seconde fois à ses pieds. Pendant le dernier siège de Rome, les boulets de la France républicaine, — qui ne l’était guère, il est vrai, — pénétrèrent jusque dans la salle du palais Spada, où se conserve l’image de Pompée, et respectèrent, comme ils le devaient, l’adversaire de César.

La nouvelle république romaine, qui a eu son très faux Gracchus dans Ciceruaccio, a eu son non moins faux Brutus dans l’assassin de Rossi. Absurde parallèle qui a été fait entre un misérable et un grand homme ! Le christianisme nous a enseigné que le meurtre est toujours un crime ; mais Brutus ne connaissait pas la morale chrétienne. Il immolait César au nom de la loi romaine, qui prescrivait de mettre à mort celui qui voulait se faire roi, et que les patriciens avaient appliquée sans autant de raison à plus d’un tribun. Le noble et sage Rossi ne menaçait pas la liberté des Romains, il la servait avec intelligence et courage, et seul pouvait peut-être la sauver. À Rome, on a toujours, depuis Crescence et Rienzi, invoqué d’une manière plus ou moins vaine, ou plus ou moins déraisonnable, les souvenirs politiques de l’antiquité. Dans le désir de la retrouver partout, on a été jusqu’à prétendre que Rossi avait été frappé à l’endroit même où César était tombé, parce que le palais de la chancellerie,