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à Bovillæ, un peu avant d’arriver à Albano, le lieu où Milon tua Clodius. Une fois là, vous irez jusqu’à Frascali pour monter à Tusculum et visiter Cicéron dans sa belle villa, d’où César vient de sortir et où il compose en ce moment une tusculane qu’il pourra vous lire. Enfin, près de Gaëte et de sa villa de Formiez, vous retrouverez l’endroit où, arrêté par les sicaires d’Antoine, tout ce qu’il y avait de romain en lui se retrouva pour bien mourir, et où, avançant sa tête au-devant du glaive, il la tendit hors de la litière aux assassins, en attachant sur eux un regard qui les épouvanta.

À côté du buste de Cicéron est placé le buste bien connu et souvent reproduit de Démosthène : la planche qui les porte tous deux offre ainsi un parallèle tout fait, à la manière de Plutarque ; mais si vous voulez comparer réellement les deux plus célèbres orateurs de l’antiquité, ce qu’il faut opposer au portrait de Cicéron dont j’ai parlé, c’est la statue de Démosthène qui est placée dans le Braccio-Nuovo. Cette admirable statue, où sont empreintes une énergie mâle et une simplicité vigoureuse, exprime merveilleusement la contention de la volonté, la concentration de l’esprit. La différence des deux personnages est marquée dans leurs portraits. Cicéron peut être le plus séduisant des orateurs et le plus aimable des hommes, mais César vainqueur de ses amis ira souper chez lui et parler littérature ; Démosthène est un orateur invincible et un mortel d’une autre trempe : il tiendra tête à Philippe, il luttera contre Alexandre.

Cette statue de Démosthène a été trouvée à Fiascati, dans la villa Mondragone, pas très loin de Tusculum et par conséquent de la villa de Cicéron. On aimerait à penser qu’elle provient de cette villa, et qu’inspiré par une noble émulation, Cicéron avait voulu avoir constamment sous les yeux son rival et son modèle.

Le nom de Cicéron rappelle le nom de son meurtrier. On ne connaissait qu’un portrait d’Antoine, c’est le buste d’un homme dont l’embonpoint est prononcé, qui a le col gros, de larges épaules, et on s’explique en le voyant comment sur les médailles Antoine est représenté en Hercule. Les traits ont peu d’expression et peu de caractère. C’est l’Antoine de Cléopâtre, le soldat voluptueux qui s’est épris d’une reine coquette ; amolli loin de Rome dans les fêtes et les festins d’Alexandrie, il fuira à la bataille d’Actium et ira honteusement mourir dans les bras d’une femme qui, tout en le pleurant, déjà songe à le remplacer. Cet Antoine-là est assez débonnaire, et peut-être un grand repas ou une partie de pêche au bord du Nil lui auraient fait oublier de se venger. Mais on a découvert, il y a plusieurs années, un autre buste d’Antoine ou plutôt le buste d’un autre Antoine. Celui-ci, c’est le triumvir, car son portrait se trouvait avec