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fois avec un nouvel accompagnement, cette phrase, f’ailleurs assez courte, serpente le long d’une stretta chaleureuse. Cette ouverture, sans être un chef-d’œuvre, n’est point déplacée en tête d’un ouvrage qui commence, sur la grande place de Païenne, par un chœur assez dramatique :

Beau pays de France,
Je bois dans l’absence
A tes bords chéris !

L’entrée de la duchesse et toute cette scène préparatoire, où les Français avinés insultent les Siciliens et contraignent Hélène elle-même à chanter pour leurs menus plaisirs, manquent de relief. On voit que le musicien est fort embarrassé de ces détails et de ces récitatifs, sans lesquels pourtant les morceaux développés ne peuvent produire leur effet. La cavatine que chante la duchesse, autant pour obéir à l’injonction qu’elle a reçue d’un soldat français que pour exciter les Siciliens à patienter jusqu’à l’heure de la vengeance,

Du courage !… du courage !


a de la vigueur ; mais elle rappelle, trop, par certains éclats de voix, lampi di gola, familiers à M. Verdi, la cavatine du premier acte d’Ernani. Un trio qui se termine en quatuor et presque sans accompagnement, puisqu’il n’est soutenu que par quelques accords de l’orchestre, pénible à son début, se débrouille à la fin, et devient un morceau qui n’est point à dédaigner par l’heureuse concentration des parties et le bon effet qui en résulte. Le duo pour ténor et baryton entre Guy de Montfort et le jeune Sicilien Henri Nota renferme quelques bonnes parties, particulièrement la phrase de l’ensemble :

Non, non, point de grâce !


qui est celle de l’ouverture confiée aux violoncelles. Dans le duo que nous venons de mentionner et qui termine le premier acte, il y a ici passage du dialogue entre Guy de Montfort et Henri :

Quoi ! malgré vos complots, échapper au trépas !


où l’on reconnaît l’influence du style de Meyerbeer sur le talent de M, Verdi. Cette influence, qui frappe, dès les premières mesures de l’ouverture, a laissé plus d’une trace encore dans le nouvel opéra.

Le second acte, dont la scène se passe dans un beau vallon près de Palerme, sur une plage où vient aborder le conspirateur Procida, s’ouvre par un air d’une tournure assez large :

O mon pays, pays tant regretté,
L’exilé te salue après trois ans d’absence !

Le motif de la cavatine que chante ensuite Procida,

Dans l’ombre et le silence,


est une mélodie dans la manière connue de M. Verdi, qui ne présente rien de bien nouveau. L’effet obtenu ici est tout entier dans la belle voix de